House of the Flying Daggers : Conte de la forêt verte
Cinéma

House of the Flying Daggers : Conte de la forêt verte

Dans House of the Flying Daggers, Zhang Yimou (Hero) renoue une deuxième fois avec le wuxia, genre alliant arts martiaux et chevalerie chinoise. Propos du réalisateur et de l’actrice Zhang Ziyi lors d’une table ronde au Festival de Toronto.

Elle nous paraît bien loin, l’époque où Zhang Yimou (Épouses et Concubines) signait d’impressionnants drames de mœurs à saveur sociale… Néanmoins, si l’œuvre perd en profondeur, elle n’en demeure pas moins d’un esthétisme somptueux: "En Chine, mes deux derniers films ont été des succès sans précédent au box-office, se défend le cinéaste, mais les journalistes m’ont critiqué parce qu’ils ont eu l’impression que je délaissais le cinéma d’auteur pour me consacrer au cinéma populaire. Pour moi, l’important, c’est d’essayer de toucher à différents genres; j’ai donc l’intention de continuer à faire des films d’arts martiaux et des drames."

Après l’impressionnant Hero, Zhang Yimou fait montre une fois de plus de virtuosité en signant House of the Flying Daggers, romance sur fond de révolution. Ayant entendu que l’un des membres de la Maison des poignards volants, une armée de redoutables révolutionnaires, se terrerait dans un bordel, le capitaine Leo (Andy Lau) envoie le capitaine Jin (Takeshi Kaneshiro) à sa recherche. Le révolutionnaire en question n’est autre que Mei (Zhang Ziyi), une jeune aveugle dont la grâce exquise n’a d’égale que son talent à dégainer l’épée – serait-elle la fille spirituelle du héros japonais Zatoichi? "L’esprit rebelle de Mei ne reflète pas celui des femmes à l’époque – le récit se situe 859 -, avance le réalisateur, il représente plutôt le désir des gens ordinaires de se rebeller contre l’injustice. Ce n’est pas un geste politique de ma part, bien que je doive dire que pendant des milliers d’années, la femme n’a joui d’aucun pouvoir dans la société chinoise; d’une certaine façon, le film relate la rébellion d’une femme contre son propre statut afin d’accéder à une meilleure position sociale. Comme il s’agit d’un film historique, le gouvernement demeure insensible à ce genre de thème, mais s’il s’agissait d’une histoire contemporaine, il n’en serait pas de même."

À propos de son personnage, Zhang Ziyi, qui a passé deux mois en compagnie d’une aveugle pour se préparer à son rôle, explique: "Pour les spectateurs d’aujourd’hui, je crois que c’est devenu la norme de voir des femmes tenir des rôles aussi forts que ceux des hommes. Le fait que les héros des films d’arts martiaux puissent accomplir des exploits extraordinaires, comme voler, n’est pas seulement dû aux mille et une possibilités qu’apportent les effets spéciaux, mais également aux romans de chevalerie où les héros possèdent un esprit noble qui ne cesse de s’élever. Lorsque je fais un film d’arts martiaux, je me découvre une force intérieure qui m’aide à nourrir mon personnage. Zhang est un directeur d’acteurs très particulier qui réussit à nous faire accomplir des choses que nous ne comprenons pas nous-mêmes."

Après quelques revirements de situations et jeux de masques, Mei se retrouve en prison à la demande de Leo puis libérée par Jin qui se fait maintenant appeler Wind… Dès lors, le déclin de la dynastie Tang et la corruption du gouvernement deviennent le cadet des soucis du cinéaste et de ses coscénaristes, Li Feng et Wang Bin, qui se proposent de nous relater les tumultueuses amours du triangle amoureux que forment Mei, Leo et Jin. Plutôt décevant comme tournure: "Je n’ai pas songé à ce film comme étant un film d’action, mais plutôt comme un drame, raconte la jeune comédienne, qui compte six ans de formation en danse; au-delà des combats et des chorégraphies, il y a une histoire très bouleversante. La grande qualité de Zhang Yimou est le désir d’évoluer, d’explorer de nouveaux territoires afin de ne pas rester confiné dans un seul genre."

Heureusement, la magnificence des images – et la grande beauté des acteurs ! – parvient par moments à nous faire oublier la minceur du récit qui se terminera sur une note des plus mélodramatiques au cours d’un tableau aux couleurs de l’hiver. Toutefois, le mémorable et hypnotisant jeu des échos, où Zhang Ziyi démontre ses talents de danseuse, et le combat dans la forêt de bambous d’un vert éblouissant, moins aérien que celui de Crouching Tiger, Hidden Dragon d’Ang Lee mais tout aussi époustouflant, font de House of Flying Daggers un divertissement jouissif et incontournable.

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