Or: mon trésor : Trésor public
Or: mon trésor de Keren Yedaya s’est fait remarquer à Cannes en 2004 en recevant le prix du meilleur premier film ainsi que celui, ex aequo, de la Critique internationale.
L’histoire d’une mère et sa fille. La mère, Ruthie (Ronit Elkabetz), vit, et tente de survivre, de la prostitution depuis plus de 20 ans. Sa fille de 17 ans, Or (Dana Ivgy), aspire quant à elle à un semblant d’existence normale. Cette dernière essaie ainsi de tirer le trottoir sous les pieds de sa mère qui, socialement désillusionnée et sentimentalement blessée, y remet tout aussi prestement un pied dès que l’occasion se présente. C’est dans un étrange et triste jeu du chat et de la souris qu’Or: mon trésor trace de la sorte les liens problématiques, alimentés d’amour, d’incompréhensions et de mépris, entre une mère frivole et une fille débordée par de nécessaires responsabilités familiales. Bien que visiblement les rôles soient inversés, le couple préserve, comme en un dernier refuge émotif, le respect que chacune porte à l’autre. Se déroulant dans un petit appartement de Tel-Aviv, ce film, quoique intimiste, rend étonnamment sensible au spectateur le sourd et subtil désenchantement qui caractérise l’âme d’une population en perpétuel état de veille. Bien qu’aucune mention ne soit faite de la situation politique tendue du pays, Or: mon trésor transpire à ce point la tristesse et le désespoir qu’il en devient difficile de ne pas lire dans les yeux de ses protagonistes l’appréhension et le mal de vivre qui, de manière générale, nourrissent de désintérêt l’individu qui sait ne rien détenir en son pouvoir.
Ayant reçu le prix du meilleur premier film ainsi que celui, ex-aequo, de la Critique internationale au Festival de Cannes en 2004, Or: mon trésor de la jeune réalisatrice Keren Yedaya s’inscrit dans cette famille de récits naturalistes qui se refusent à toute idéalisation de l’histoire pour ne garder de celle-ci que ce qui échappe à la romance et au pathétique. Il aurait en effet été facile ici d’appuyer à grand renfort d’affligeantes musiques et d’intempestifs pleurs et cris un récit qui, en soi, relève déjà de la tragédie. Or, la réalisatrice évite judicieusement les coins ronds et ne dissimule pas l’anguleux mal de vivre de ses personnages sous l’insupportable vernis de l’habituel drame psychologique. Ici, l’écriture cinématographique, à la fois brute et épurée, ne convient pas seulement à l’histoire, elle en fait intimement partie. Ces décadrages et ces longs plans immobiles où tout ou rien advient, sans égard au voyeurisme primaire et à l’attente du spectateur, assurent à l’histoire un souffle vital lui permettant d’exprimer un drame qui ne donne jamais l’impression d’avoir été préalablement suscité par le langage. Cette façon de faire interdit presque toute assimilation au personnage au profit d’une identification à la caméra qui témoigne sans investir. Voilà un naturalisme cinématographique dont le réalisme du récit est le premier à tirer avantage en dépit du divertissement qui, dans ce cas-là, aurait été un pur détournement de l’esprit.
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