L'Aviateur : Une vie en cinémascope
Cinéma

L’Aviateur : Une vie en cinémascope

Après l’américanité violente de Gangs of New York, Martin Scorsese propose cette fois-ci avec L’Aviateur le récit d’une américanité mythique incarnée par une figure légendaire de l’histoire états-unienne: Howard Hughes.

Figure de tous les excès et excentrique personnage de l’âge d’or hollywoodien, Howard Hughes aura fait couler beaucoup d’encre tout au long de ses carrières simultanées de cinéaste, d’homme d’affaires, d’aviateur, de coqueluche et d’irrésistible charmeur. En public, il se présentait au bras d’Ava Gardner, de Katharine Hepburn et de Ginger Rogers; en avion, il établissait le record de vitesse autour du globe; en privé, il rêvait de devenir le plus grand producteur de films au monde. Riche, beau, adulé et prospère, Hughes avait tout pour lui, sauf une santé mentale fragile qui, lentement, aura eu raison de sa vie sociale et amoureuse. Longtemps après sa mort, discrète et confidentielle, survenue en 1976, nombre de spéculations quant à la cause de son décès et d’hypothèses quant à ce qui a bien pu advenir dans les dernières années de cet homme public devenu sombre, mystérieux et reclus alimentèrent les potins et les ragots et contribuèrent à faire de l’individu qu’on disait intransigeant, et que d’aucuns accusaient de mythomanie, la légende qu’on s’accorde à reconnaître encore aujourd’hui.

Une légende si imposante qu’il en devient difficile pour un commentateur de livrer le récit de l’homme sans sombrer dans l’apologie du mythe. Et c’est cette difficulté qu’a réussi à surmonter Martin Scorsese en proposant avec L’Aviateur le portrait quasi intimiste d’un individu complexe dont les rêves et les tourments auront à la fois nourri et corrompu une carrière démesurément faste. En s’attardant exclusivement sur la période la plus prolifique de son personnage – des années 20 à 40 -, Scorsese évite ainsi à son film de devenir une morne succession d’événements marquants, certes palpitants, mais qui, à force d’éclat, auraient eu tôt fait de participer au parachèvement d’une mythification au détriment du geste de démystification. On peut toutefois se demander si Leonardo DiCaprio est en mesure de participer adéquatement à cette entreprise de démystification. Le profil juvénile et contemporain de l’acteur sied mal à l’aura machiste et à l’attraction pileuse de Hughes. Mais que sont devenus les Burt Reynolds de l’Amérique? Peut-être que la carrière de L’Aviateur souffrira à long terme de cet excès de contemporanéité. Qui sait. Mais pour l’instant, ce qui compte vraiment, c’est que le dernier film de Scorsese satisfait les attentes et propose un divertissement intelligent et payant.

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