Un long dimanche de fiançailles : À la recherche du fiancé perdu
Cinéma

Un long dimanche de fiançailles : À la recherche du fiancé perdu

Dans Un long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet, l’exquise interprète d’Amélie Poulain devient une fiancée à l’optimisme inébranlable. Trente minutes top chrono avec Audrey Tautou, rencontrée lors de son passage-éclair à Montréal.

En personne, Audrey Tautou est encore plus mignonne qu’au grand écran où elle a séduit le monde entier avec ses yeux noirs comme des billes et son sourire espiègle. Qui plus est, la jeune actrice de 26 ans a prouvé aux journalistes d’ici, conquis par son charme irrésistible, qu’elle était capable de gentillesse et de générosité en pleine campagne de promotion express. Une chose est sûre, le succès n’a pas monté à la tête de celle qui avouait candidement à Thierry Ardisson savoir qu’elle avait tourné dans un grand film, mais sans pouvoir vraiment l’apprécier. Se doute-t-elle seulement qu’elle vient de répéter l’exploit en prêtant ses traits mutins à Mathilde dans la nouvelle œuvre de Jean-Pierre Jeunet?

"J’ai confiance en l’ambition du projet, confie Tautou, je sais que c’est un film français de grande envergure, qui récolte beaucoup de succès et de très bonnes critiques en France pour l’instant. Évidemment, ce ne sera pas le même miracle que pour Amélie; c’est arrivé une fois en 30 ans et à mon avis, il faudra autant de temps avant que ça se reproduise… Je n’ai pas ressenti de pression par rapport aux retrouvailles, mais par rapport à la beauté du rôle et l’idée que je sois à la hauteur. J’avais besoin de m’impliquer profondément dans ce personnage parce que j’avais la mesure de sa profondeur. J’ai vraiment pris le rôle comme si c’était la première fois que je travaillais avec Jean-Pierre, avec la même appréhension et la même excitation, sauf que je me disais que c’était un rôle tellement beau, une héroïne tellement extraordinaire dans le roman que je ne pouvais pas gâcher cette chance-là."

Cette héroïne, qui n’est pas sans rappeler Amélie Poulain par sa détermination, est avant tout une création de Sébastien Japrisot, décédé avant de pouvoir savourer le merveilleux travail d’adaptation de Jeunet et de Guillaume Laurant: "J’ai été surprise par la façon dont Jean-Pierre est parvenu à colorer cette histoire avec son univers, avance la comédienne. J’ai trouvé formidable qu’il ait respecté le roman, mais en même temps il en a fait une adaptation personnelle. Il a su garder toute l’envergure et la dimension de cette histoire en y mettant sa poésie, ses petits trucs, son esthétisme, ses couleurs, ses héros aussi, car il a fait de Mathilde une héroïne de Jeunet, une orpheline solitaire et réservée."

Persuadée que son fiancé Manech (Gaspard Uliel, vu dans Les Égarés d’André Téchiné) n’est pas mort à la guerre, Mathilde remuera ciel et terre pour le retrouver. Cette foi inébranlable n’aura d’égale que celle de la Lombardi (Marion Cotillard), qui recherche parallèlement son amant et dont chaque intervention nous apparaît comme un pur bijou d’imagination. Aux côtés d’Audrey Tautou évoluent des membres de la "famille" Jeunet avec lesquels nous renouons avec bonheur: Dominique Pinon dans le rôle de l’oncle de Mathilde, le regretté Ticky Holgado en détective plus ou moins fiable et, se cachant sous la barrette du curé, l’épicier Collignon (Urbain Cancelier). Et, bien sûr, André Dussolier, dont la voix grave portait Le Fabuleux destin…, qui laisse à Florence Thomassin le soin de la narration.

Avec son tourbillon de coïncidences habilement liées les unes aux autres, ses signes farfelus du destin, le ludisme de la mise en scène aux mille et un détails, la photographie sombre et raffinée, laquelle évoque l’époque où Jeunet collaborait avec Marc Caro (Delicatessen, La Cité des enfants perdus), Un long dimanche de fiançailles n’est rien de moins qu’un petit chef-d’œuvre. Pourtant, certains parleront d’un film bourré de tics, d’une version noire d’Amélie Poulain. Nous préférons dire qu’Un long dimanche… porte bel et bien la signature reconnaissable entre toutes d’un grand cinéaste. Cependant, à constater le grand soin apporté à chaque plan, on en vient à craindre pour le travail des acteurs…

"Jean-Pierre est quelqu’un de passionné, qui travaille énormément, qui a un univers tellement personnel, d’expliquer Tautou. Il a le talent de sublimer la vie et d’emmener les gens en voyage. Il y a beaucoup de dialogues en amont du tournage, mais sur le plateau, c’est quelqu’un qui construit son cadre avec précision pendant le week-end avec des doublures. À notre arrivée, il nous positionne dans ce cadre et une fois là, il nous donne toute la liberté de créer. Il ne fait pas sa mise en scène à partir de ce que les acteurs lui proposent, ce qui ne veut pas dire que les acteurs sont au service de la mise en scène; c’est juste qu’il a une idée esthétique de son histoire et qu’il la met en œuvre. À l’intérieur de cette vision, nous apportons notre vie, notre humanité et notre jeu."

En attendant de revoir Audrey Tautou chez Alain Resnais (Pas sur la bouche) et chez Cédric Klapisch (Les Poupées russes), peut-on souhaiter la retrouver un jour dans l’univers de Jeunet? "Je ne suis ni la muse ni l’actrice fétiche de Jean-Pierre; je me perçois comme une actrice avec qui il a travaillé deux fois. C’est simplement une histoire de hasard et de rencontre, et ce n’est pas du tout dit qu’on retravaillera ensemble… il n’a pas besoin de moi pour faire des films!" Certes, mais on peut toujours s’accrocher à ses espoirs… comme Mathilde.

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AUDREY À LA CONQUÊTE DU MONDE

Grâce au succès phénoménal du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, Audrey Tautou a été courtisée par des réalisateurs français et étrangers. Mais attention! Pas question de vendre son âme à qui que ce soit!

Vous avez tourné en anglais sous la direction de Stephen Frears (Dirty Pretty Things), comment avez-vous trouvé l’expérience?

"Avec Frears, j’ai trouvé ça extrêmement difficile parce qu’à l’époque, je ne pouvais pas soutenir une conversation en anglais. Travailler dans une autre langue, ça représente beaucoup de travail, mais je prends ça comme une facette du personnage, un peu comme le fait de jouer en costume d’époque, ça donne une autre dimension au jeu. J’adore ce genre de défi, mais ce que je trouve étrange dans ce type d’expérience, c’est de devoir confier son texte à un coach et de ne pas pouvoir improviser à partir de ça. C’est comme si l’on donnait seulement une petite partie de soi."

Lors de la sortie d’Amélie aux États-Unis, le magazine People vous a inscrite dans sa liste des 50 plus belles personnes, on vous a décrite comme un croisement entre Lucille Ball et Audrey Hepburn et l’on a pu vous voir arpenter le tapis rouge à la soirée des Oscars. Comment vous sentiez-vous dans cet univers?

"Tiens, je ne savais pas pour la première, mais j’ai été très flattée d’être comparée à Hepburn. En fait, j’ai eu l’impression d’être une touriste découvrant une autre contrée! Vraiment, j’ai pris cela avec beaucoup d’amusement et de dérision; je n’ai pas du tout eu l’impression d’avoir ma place dans cet univers artificiel."

Rêvez-vous d’une carrière en Amérique?

"Une carrière, ça me paraît bien grand, mais ça m’intéresserait de découvrir ce monde-là parce qu’il y a plusieurs cinéastes que j’adore."

On a souvent reproché à Gérard Depardieu de ne pas savoir choisir ses scénarios lorsqu’il travaille aux États-Unis. Fermeriez-vous les yeux sur la qualité d’un projet?

"En réalité, si je tenais à tout prix à tourner dans un film américain, je l’aurais déjà fait parce que des "n’importe quoi", on m’en a proposé!"

Vous avez mentionné Woody Allen tout à l’heure…

"Oh, mais je ne vois pas pourquoi il m’appellerait… Cela dit, je préfère ne pas révéler le nom des gens avec qui j’aimerais tourner, car je suis un peu superstitieuse…"