Claude Sautet : Une histoire simple
Cinéma

Claude Sautet : Une histoire simple

Claude Sautet ou la magie invisible, de Nguyen Trung Binh, est un documentaire à la hauteur de son sujet, qui nous a légué une cinématographie certes modeste, mais néanmoins une œuvre.

Il y a de ces magiciens dont on préfère ne pas s’enquérir des ruses, de peur d’étouffer le charme qu’exprime pour nous l’inexprimable de leur magie. Or, même magicien, Claude Sautet, décédé en 2000, demeure et demeurera un cinéaste énigmatique, secret et caractériel qui avoua n’avoir connu de l’astuce cinématographique que l’effet enthousiasmant qu’elle lui procurait: "Il y a un plaisir à faire de la magie invisible; qu’on ne puisse pas voir comment c’est tourné, ça n’a aucune importance."

Fin renard dont la ruse demeure pour lui un profond mystère, Claude Sautet a toujours su traduire le réel mieux que n’aura su le faire un documentariste qui cherche, lui, avant tout, à le comprendre. Sautet saisit de la réalité cette fine couche d’expressivité que manifestent, entre autres, les regards, les gestes ou la seule attitude d’un personnage envers le monde et les gens qui l’entourent. En ce sens, la "magie invisible" n’est-elle pas cette forme d’expressivité essentiellement cinématographique, proche de l’absolu, que seul un metteur en scène de talent peut prétendre maîtriser sans jamais, toutefois, l’appréhender?

À la fois connu et méconnu de tous, Claude Sautet méritait ce documentaire dont la grande qualité est de laisser la part belle aux commentaires du cinéaste aujourd’hui défunt, lesquels informent moins qu’ils n’éveillent constamment la curiosité du spectateur envers une œuvre qu’il aura assurément envie de revisiter. En cela, le désir de Nguyen Trung Binh de susciter chez son spectateur le goût de revoir les films du cinéaste français risque fort bien d’être exaucé. La raison en est que Claude Sautet ou la magie invisible nous offre un regard de l’intérieur sur une cinématographie qui, bien que modeste, surprend encore par son indéfectible maîtrise et la virtuosité scénaristique des films qui la composent, de Classe tous risques (1960) à Nelly et monsieur Arnaud (1995), en passant par Les Choses de la vie (1970). Évidemment, cette virtuosité n’aurait sans doute pu être possible sans les acteurs fétiches de Sautet que sont, notamment, Michel Piccoli, Romy Schneider, Lino Ventura et Yves Montand. Mais le talent de Sautet consiste non seulement à diriger l’acteur vers une composition, mais surtout à faire apparaître dans l’acteur le personnage ainsi que l’émotion qui le compose. Peut-être davantage qu’une magie invisible, Sautet aura-t-il pratiqué un chamanisme cinématographique.

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