Hotel Rwanda : La course contre la mort
Cinéma

Hotel Rwanda : La course contre la mort

Hotel Rwanda est un film sobre, digne et troublant basé sur l’histoire vraie d’un homme qui s’est battu désespérément pour la vie, alors que le génocide rwandais faisait rage.

Rwanda, avril 1994. Flash-back sur un événement que le monde a préféré ignorer: dans un contexte de tensions politiques et ethniques très graves qui perdurent depuis des décennies, des milices extrémistes de la majorité hutu, qui cultivent une violente animosité à l’encontre des membres de l’ethnie tutsi, amorcent un mouvement d’horribles massacres visant à éradiquer littéralement les Tutsis du Rwanda et à éliminer les Hutus modérés. C’est le début d’un génocide durant lequel 800 000 personnes seront massacrées en un peu plus de 100 jours… dans l’indifférence de la communauté internationale.

Faire un film de fiction, plutôt grand public de surcroît, sur cet effroyable événement était une entreprise périlleuse. Comment raconter un génocide sans risquer de sombrer dans le pathétique, dans une horreur cinématographique convenue ou dans la simplification idéologique outrancière?

Le réalisateur irlandais Terry George (Some Mother’s Son, aussi scénariste de l’excellent In the Name of the Father) a su ici éviter les pièges en ne cherchant pas à aborder de front la question du génocide. Il s’est plutôt intéressé à un aspect plus particulier, mais néanmoins grandiose d’un point de vue humain: l’histoire véridique d’un homme ordinaire, Paul Rusesabagina, qui, un peu comme Oskar Schindler durant la Shoah, a réussi à extirper des griffes de la mort des centaines de vies.

Gérant du luxueux Hôtel Mille Collines de Kigali, Paul Rusesabagina, issu de la communauté hutu, est bien vu par le pouvoir. Sa position privilégiée lui permet d’offrir de nombreux cadeaux à l’élite, qui le lui rend bien. Mais lorsque les massacres commencent, Paul se sait en danger. Sa femme est une Tutsi et leurs deux enfants sont impurs aux yeux des extrémistes. Paul emmène alors sa famille et quelques amis se réfugier au Mille Collines, encore essentiellement occupé par des étrangers. Mais bien vite, lorsque les derniers Occidentaux seront finalement évacués, Rusesabagina transformera son établissement en véritable camp de réfugiés, où s’entasseront 1200 personnes qui échapperont au massacre grâce aux efforts désespérés de l’hôtelier qui réussira, au risque de sa propre vie, à amadouer les bourreaux et gagner du temps grâce à des dollars américains, des caisses d’alcool et, surtout, un immense talent de diplomate.

Hotel Rwanda est une grande réussite. Fort et bouleversant, il parvient à recréer de façon très crédible l’horreur, l’angoisse et la folie pure qui se sont abattues sur le pays. Mais ce film, coproduction indépendante entre l’Afrique du Sud et la Grande-Bretagne, notamment, sait aussi se faire tout petit et sobre. En effet, tout en assumant pleinement la fiction (le scénario est d’une redoutable efficacité), on a cherché à atténuer le plus possible l’effet cinéma, préférant laisser toute la place aux événements et aux interprètes, tous excellents. Don Cheadle est ici d’une intensité stupéfiante. Ses yeux, son corps, la moindre intonation de sa voix expriment ce sentiment d’urgence, cette course contre la mort dans laquelle s’est lancé cet homme, qui a tout tenté pour sauver son peuple, son pays et ce qu’il restait d’humanité.

Après deux heures, on sort d’Hotel Rwanda sous le choc. Et honteux, aussi, de ne pas avoir davantage hurlé sa colère. Pourtant, on quitte aussi avec l’espoir que nous laisse ce film, qui se veut d’abord un hymne à l’urgence de vivre et au courage. Et c’est parce qu’il tenait à cette dimension que le réalisateur a refusé de souligner outre mesure (certains le lui reprocheront peut-être) "les bruits, la pestilence, les ravages, les scènes d’actes inhumains", comme l’écrit dans son livre le général Dallaire (incarné ici par Nick Nolte). Dans Hotel Rwanda, c’est plutôt le sourire et la vie qui triomphent, comme dans la scène finale. Et ce n’est pourtant pas un happy end.

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