Rétrospective John Huston à la Cinémathèque québécoise : Dans la peau du lion
John Huston: ce nom retentit comme le rugissement du lion de la MGM. Il évoque un cinéaste mythique qui a marqué l’histoire du cinéma. Près de 20 ans après sa mort, la Cinémathèque québécoise lui consacre une importante rétrospective.
John Huston a été un réalisateur immense. Parmi les 45 films qui ont fait cette œuvre parfois malmenée, plusieurs sont devenus de grands classiques de l’histoire du cinéma. Ces classiques, encore aujourd’hui, sont demeurés mordants, subversifs, provocants… et toujours enthousiasmants.
La sélection de la Cinémathèque donne une belle idée des thèmes de prédilection et obsessions du cinéaste. À travers ses 26 films les plus marquants, on pourra ainsi découvrir ou redécouvrir la très grande aisance avec laquelle Huston passait du film noir au film d’aventures, ou du drame psychologique d’un réalisme glauque à la comédie musicale flamboyante.
Tout au long de sa carrière, John Huston a su se faire le chantre d’épopées existentielles et de drames humains profonds. On a dit, avec raison, qu’il était le cinéaste de la "faillite humaine". Mais plus encore, l’œuvre de Huston, digne d’un "auteur", évoque le décalage entre l’homme et son temps, l’impossibilité d’être en syntonie avec le présent, la difficulté de comprendre son époque et de donner un sens à ses actions.
Dès son premier film, le très célèbre The Maltese Falcon (1941), Huston a su traduire parfaitement le trouble et l’angoisse d’une époque de bouleversements, où l’individu est constamment en mode survie. Survie, parce que les individus ont perdu leurs points de repère dans un univers qu’ils ne comprennent plus, qu’ils ne maîtrisent plus et qui, en fait, n’est déjà plus le leur. En cela, l’environnement (physique et social) est devenu menaçant.
Dans son dernier rôle, Clark Gable, interprétant un cow-boy vieillissant et las, lance ce constat, à la fin de The Misfits (1961): "Ils ont changé les règles du jeu." Cette idée pourrait s’appliquer à tant d’autres personnages qui, chez Huston, se retrouvent exclus parce qu’ils ne connaissent pas les nouvelles règles du jeu.
Ce malaise est évidemment très fort dans The Dead (1987), dernier film du réalisateur, et selon plusieurs son plus beau. Les membres d’une société lyrique irlandaise, conviés à un repas qui a tout d’une Dernière Cène (scène) ou d’une veillée funèbre, réalisent au matin du 20e siècle qu’ils sont dépassés.
Condamné par la maladie, son apparence, l’alcool et dévoré par son art et par le désir, le Toulouse-Lautrec du flamboyant Moulin Rouge (1952) est lui aussi un personnage hors temps, hors lieu, incompris par les uns, rejeté par les autres et profondément déchiré.
Cette meurtrissure intérieure est fondamentale dans l’imaginaire cinématographique de Huston, qui s’est intéressé à la psychanalyse (Freud, 1962) et à l’hypnose. Elle révèle une ambivalence chez les protagonistes, un côté sombre et troublant qui sommeille tout au fond des êtres. Certains tenteront de le dominer, difficilement, inutilement: c’est Achab qui plonge dans une lutte à finir avec son propre monstre intérieur dans Moby Dick (1956), ou les deux passagers du bateau à vapeur qui s’enfoncent dans la jungle, métaphore de leur être, dans The African Queen (1952).
Mais très souvent chez Huston, ce côté obscur du cœur et de l’âme s’impose malgré les conventions et les règles que l’on tente de suivre. Alors les êtres se métamorphosent, comme Humphrey Bogart qui, après avoir abattu de sang-froid les truands de Key Largo, affiche ce large sourire… énigmatique et inquiétant.
Et c’est dans cette pénombre que l’univers de Huston devient fascinant. Du 19 janvier au 12 mars.
Voir calendrier Cinéma