Le Goût des jeunes filles : Du côté des tontons macoutes
Cinéma

Le Goût des jeunes filles : Du côté des tontons macoutes

Le Goût des jeunes filles, de John L’Écuyer, d’après le roman de Dany Laferrière, raconte les premiers émois sexuels d’un adolescent vivant dans le Haïti de Jean-Claude Duvalier. Propos du réalisateur et du scénariste.

Avec son ami Gégé, jeune délinquant, Fanfan (Lansana Kourouma) rêve aux jolies filles habitant de l’autre côté de la rue. Surprotégé par sa mère (Mireille Métellus), l’adolescent de 15 ans est épris de liberté. Croyant être poursuivi par les tontons macoutes, Fanfan se réfugie chez la belle Miki (Koumba Ball), qui vit avec trois de ses ravissantes amies.

"Je ne voulais pas faire un film historique sur Haïti ni un drame psychologique, explique John L’Écuyer rencontré au Festival de Toronto, mais un film où le spectateur est interpellé par les personnages qui s’adressent directement à lui parce que j’aime briser le quatrième mur."

Roman à saveur autobiographique de Dany Laferrière, que le romancier a récrit afin d’approfondir ses personnages, Le Goût des jeunes filles devient sous la houlette de John L’Écuyer un film ensoleillé empreint de sensualité, de fraîcheur, de fous rires et de poésie – et ce, malgré un tournage difficile en Guadeloupe. Une célébration de la vie en dépit de la mort qui rôde.

Étonnant de constater à quel point les univers du réalisateur, cinéaste indépendant ayant surtout tourné à Toronto, et de l’écrivain, qui signe le scénario, se rejoignent: "Ce que j’aime dans l’écriture de Dany, confie L’Écuyer, c’est la simplicité avec laquelle il décrit les émotions ainsi que son sens de l’humour. Il n’y a pas de prétention chez Dany, que des sentiments purs: de l’amour, de la haine, de la colère, de la joie. Pour moi, c’était spécial de reconnecter avec Dany, que j’avais bien connu à l’époque où j’étais ami avec Jean-Michel Basquiat, peintre que Dany et moi admirons."

"C’est moi qui ai proposé que John réalise le film, car à mes yeux, il représentait une sorte de poète urbain", commente l’écrivain, rencontré à quelques jours de la première montréalaise. "Mélanger poésie et vie quotidienne a toujours été pour moi une obsession. Je ne voulais pas d’un réalisateur trop classique, qui avait une idée figée de ce que doit être un film tourné dans les Caraïbes. Très rapidement, nous avons pris nos distances afin qu’il travaille de son côté pour découvrir Haïti."

Passé récemment derrière la caméra (Comment conquérir l’Amérique en une nuit), Laferrière se sent-il dépossédé lorsqu’une de ses œuvres est adaptée par un autre réalisateur? "J’étais tout excité à l’idée de voir transposer mon roman à l’écran, dit spontanément le romancier, farouche défenseur du cinéma indépendant, car pour moi c’est un public neuf qui fera connaissance avec Le Goût des jeunes filles."

Bénéficiant d’une mise en scène par moments ludique, avec ses apartés face caméra et ses mots qui s’envolent, le film souffre toutefois du jeu inégal des jeunes acteurs, même si le réalisateur les laissait improviser dans de nombreuses scènes. Heureusement, Maka Kotto et Luck Mervil apportent une certaine crédibilité à l’ensemble. Une jolie carte de visite pour L’Écuyer, qui désire renouer avec son Québec natal.

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