Million Dollar Baby : Les bleus au cour
La Fille à un million de dollars, de Clint Eastwood, relate l’ascension d’une jeune boxeuse et de son vieil entraîneur macho, sous le regard protecteur d’un boxeur à la retraite.
Au sommet de son art, Clint Eastwood demeure de nos jours le seul réalisateur dont le principal intérêt à raconter une histoire réside dans l’exploration de la dignité. Le sujet n’étant plus vraiment payant à Hollywood, l’acteur-réalisateur fait figure d’anachronisme bien-aimé. En fait, le public ne semble plus vraiment connaître le concept de dignité, pas plus qu’il ne s’y intéresse, depuis la belle époque des westerns de John Ford. En quelque sorte, son western revampé Unforgiven est sans doute le meilleur exemple du genre: un récit fait de sang et de trahison digne des tragédies grecques, orchestré par la force tranquille d’un Eastwood qui n’utilise rien d’autre que les méthodes les plus conventionnelles (jeu cérébral, excellent scénario, regard franc et direct sur des émotions sincères). Comme si cela ne suffisait pas, il compose ses propres trames sonores, lesquelles magnifient ses films.
Frankie Dunn (Eastwood), entraîneur vieux jeu d’âge mûr, dirige avec son vieil ami et ancien boxeur Eddie "Scrap-Iron" Dupris (Morgan Freeman) un vieux gymnase décrépit, au centre-ville de Los Angeles, où errent des boxeurs de seconde zone. L’amitié des deux hommes est mise à l’épreuve lorsque Maggie Fitzgerald (Hilary Swank), une serveuse pauvre venant des monts Ozarks, se pointe au gymnase afin de demander à Frankie d’être son entraîneur. Sur le coup, il refuse, considérant qu’à 31 ans, Maggie est trop âgée pour devenir boxeuse; de plus, il n’entraîne pas de filles. Cependant, Eddie réussira à le faire changer d’idée. Évidemment, Maggie se révélera un talent naturel. L’entraîneur et sa protégée travailleront pour réaliser le grand rêve de Maggie, celui de remporter un championnat. Dès lors, les conventions propres aux films de boxe disparaissent et le film devient tout autre chose, car au-delà du drame sportif (les deux premiers tiers sont consacrés à la boxe), le dernier Eastwood traite principalement de choses plus profondes: les rêves, l’amour, la loyauté et l’importance de vivre sa vie. Du matériel plutôt traditionnel. Adaptation d’une nouvelle de F.X. Toole (Rope Bums) par Paul Haggis (Due South, EZ Streets, thirtysomething), La Fille à un million de dollars s’inscrit en fait dans le même registre qu’Unforgiven: un film coup-de-poing, assumant son intensité sans jamais recourir au tape-à-l’œil, à l’ironie, aux clins d’œil cinématographiques ni à l’anticipation. Voilà du Eastwood à son meilleur.
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