A Tale of Two Sisters : L'art et la peur
Cinéma

A Tale of Two Sisters : L’art et la peur

Après Ringu et Ju-on, A Tale of Two Sisters du Sud-Coréen Kim Ji-woon vient démontrer une fois encore la suprématie actuelle des cinéastes asiatiques dans le domaine de l’horreur. Courez-y, avant que les Américains n’en fassent un remake.

Durant la projection de ce film envoûtant, souvent terrifiant, parfois poétique, le spectateur demeure constamment sur ses gardes. Non seulement parce que l’oeuvre est très angoissante, mais aussi parce que l’intrigue semble continuellement lui filer entre les doigts, comme une énigme qui s’amuse à changer ses propres données au fur et à mesure qu’on croit l’avoir élucidée. A Tale of Two Sisters appartient à ce genre de thrillers fantastiques qui rendent la vie dure aux critiques. Comment parler intelligemment d’un film dont la simple mention des thèmes risque de mettre le lecteur à l’affût des secrets que réserve l’intrigue?

À défaut d’entrer dans le détail, on peut à tout le moins révéler qu’il s’agit d’une histoire de maison hantée. Comme le titre l’indique, il y a deux sœurs dans cette demeure. Il y a aussi un père, étrangement effacé, et une belle-mère (formidable Jung-ah Yum), dont la cruauté n’a d’égal que le mystère. De quoi cette maison est-elle hantée? De fantômes? De souvenirs? De secrets inavouables? Peut-être de tout cela en même temps. Mais ne sautez pas aux conclusions. Une des forces du scénario de Kim Ji-woon, inspiré d’une vieille légende coréenne, est de tirer le tapis sous les pieds du spectateur et de lui faire croire qu’il a tout compris, alors qu’un coup de théâtre l’attend au détour.

Ainsi, au moment où l’on croit se trouver en présence d’un récit surnaturel, l’aspect psychologique vient tout rationaliser. Or, le fantastique prépare sa revanche et vient à son tour brouiller les cartes. D’aucuns seront alors tentés d’évoquer The 6th Sense et The Others. Mais A Tale of Two Sisters rappelle davantage l’extraordinaire (et scandaleusement méconnu) The Other de Robert Mulligan (1972), avec son mélange de macabre et de poésie sur fond de schizophrénie. Le film de Ji-woon, dont la mise en scène est d’une lenteur et d’une élégance fabuleusement étudiées, ne possède pas l’intensité émotionnelle et la subtilité du chef-d’œuvre de Mulligan, mais il s’en approche souvent. Ce qui constitue, en soi, un tour de force.

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