L’Exécution : Hygiène de l’assassin
L’Exécution, de Jeremy Peter Allen, raconte les derniers instants d’un condamné à mort face à un directeur de prison moins stoïque qu’il n’en a l’air. Attention: le beau Roy s’éclate!
Adaptation libre d’une nouvelle épistolaire de Yann Martel, qui a nourri le jeune réalisateur montréalais de ses commentaires judicieux envoyés par courriel, L’Exécution (Manners of Dying) s’inspire en partie de l’exécution fortement médiatisée de Tim McVeigh, responsable de l’attentat à Oklahoma. D’une atmosphère glaciale, ce premier long métrage de Jeremy Peter Allen prend la forme d’un exercice de style, lequel, malgré une mécanique quelque peu rigide, s’avère chargé d’émotion. Un décalage entre le fond et la forme qui fait toute la force du film: "Exécuter une variation sur un même thème me semblait un beau défi parce que ça n’a pas été fait souvent, explique Allen. Évidemment, on pense à Rashomon, Hero ou à certains films de Robert Morin… Malgré la répétition, il y a une progression dramatique que l’on perçoit grâce au personnage du directeur de prison. Et c’est grâce à lui que se révèlent les fissures du processus de la mise à mort."
Directeur de prison, Harry Parlington (Serge Houde, très nuancé) doit veiller à l’exécution de Kevin Barlow (Roy Dupuis, surprenant dans tous les registres), dont il appréhendera les réactions. Campant des personnages aux antipodes, les deux acteurs se livrent un duel de choc viril. De confier Houde: "Roy a l’un des regards les plus intenses de l’industrie. Pendant une lecture, j’ai senti son regard me fixer; tout d’un coup, je me suis senti inspiré et je me suis dit: "J’embarquerai pas dans ton jeu, fiston!"… et cela a été la clé de Parlington. Chaque fois que j’arrivais sur le plateau, je voyais dans les yeux de Roy toutes les émotions ressenties par le condamné à mort. Un très beau cadeau, ce rôle."
De renchérir Dupuis: "C’est vraiment un cadeau pour un comédien, mais en même temps, ç’aurait pu être un cadeau empoisonné. En tant que catalyseur des émotions, je devais réussir à convaincre les autres acteurs qui devaient réagir en fonction de ce que je leur donnais. Je n’ai pas abordé Barlow comme différents personnages, mais bien comme un personnage vivant différentes émotions."
Malgré son sujet morbide que le réalisateur décortique froidement, L’Exécution n’est ni un mélo lugubre ni un pamphlet contre la peine de mort: "Dans tous mes films, dont Requiem contre un plafond, il y a toujours un personnage qui est confronté à la mort, de confier Allen. En fait, ce qui me fascine, c’est la vie; et à l’approche de la mort, on a tendance à vivre plus intensément. C’est donc ce côté extrême que je voulais aborder. À la base, la nouvelle n’est pas politique et je ne souhaitais pas que le film le soit. Si je réussis à convaincre quelqu’un que la peine de mort est terrible, tant mieux, même si ce n’est pas le but du film." En somme, un défi audacieux et bien maîtrisé qui émeut autant qu’il fait réfléchir.
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