Non te muovere : La fille laide
Non te muovere, deuxième film de l’acteur italien Sergio Castellitto, met en vedette l’Espagnole Penélope Cruz dans le rôle d’une femme laide qui revient hanter son amant. Entretien avec le scénariste-réalisateur.
Vue de l’extérieur, la vie de Timoteo (Sergio Castellitto, qui réussit à humaniser un personnage lâche et antipathique) semble idéale. Chirurgien émérite, marié à une femme parfaite, l’homme est pourtant assailli de souvenirs douloureux lorsque réapparaît son ancienne maîtresse Italia (Penélope Cruz), alors que sa fille repose entre la vie et la mort à la suite d’un accident de scooter.
Las de son univers bleu-gris, Timoteo s’était épris de cette femme, rencontrée sous un soleil brûlant, après l’avoir violée. Une scène au montage syncopé qui rappelle les hésitations et répétitions d’un rêve, comme si Timoteo ne pouvait se comporter comme un salaud: "En fait, d’expliquer Castellitto, rencontré lors de son passage au FFM, c’est une façon pour lui de mettre en scène ses souvenirs; c’est d’ailleurs pour cela qu’il était évident pour moi d’endosser à la fois les fonctions d’acteur et de metteur en scène."
Plus encore, ce viol se révèle un moment presque insoutenable donnant l’impression qu’Italia se considère davantage comme une chienne plutôt qu’une femme par sa muette soumission: "La violence des hommes et des femmes est quelque chose d’inacceptable, mais qui appartient tout de même à un archétype de l’existence. Quant Timoteo entre chez Italia, je ne crois pas qu’il viole seulement une femme, mais l’idée de misère, de solitude, d’abandon; dès lors, il brise quelque chose dans sa vie régulière. Son vrai crime, c’est de ne pas avoir eu le courage d’aller jusqu’à la fin de l’amour. Je crois que les hommes sont comme Timoteo, lâches et puérils; en lisant le roman de Margaret, je me suis dit: c’est nous!"
Adapté du roman de Margaret Mazzantini, qui signe le scénario avec son mari Sergio Castellitto, Non te muovere a fait beaucoup parler de lui puisqu’on y retrouve une Penélope Cruz hideuse et vulgaire. Pourquoi engager une beauté pour jouer les filles moches? "Je cherchais d’abord une actrice de talent et j’avais aussi besoin de sa beauté intérieure, car à la fin du film, Italia devient belle. Quand j’ai rencontré Penélope, je ne lui ai dit qu’une phrase, qui l’a convaincue: "C’est l’histoire d’une grenouille avec une jupe et des talons hauts, une grenouille qui devient un ange."
Ainsi, une fois le choc passé, force est de reconnaître que mademoiselle Cruz a du talent – on l’avait oublié depuis qu’elle se commet dans des inepties américaines. Plus tard, l’on se rend compte que le film de Castellitto, qui laisse d’abord indifférent par ses airs de mélo sordide construit en une suite convenue de flash-back, s’avère un drame aussi prenant qu’ambitieux qui se hisse au-delà du simple pathos par son interprétation juste et, surtout, par sa riche symbolique religieuse, laquelle fait d’Italia une martyre, voire une figure christique, par qui la rédemption de Timoteo arrive. Un drame existentiel aux accents métaphysiques.
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