La Peur du loup : L’homme qui aimait les fillettes
La Peur du loup jette un regard à la fois sobre et dérangeant sur la pédophilie, sujet pratiquement intouchable. Puissante première réalisation.
La scène se passe en 2000 et met en vedette une jeune cinéaste fraîchement sortie de l’université. En quête d’un premier sujet de long métrage, elle tombe amoureuse d’une pièce de théâtre qui, c’est décidé, fera un bon film. Mais il y a un mais… L’histoire repose sur les tribulations d’un pédophile tout juste sorti de prison. Pareil contenu fait de La Peur du loup (The Woodsman, en version originale) un cas à aborder avec des gants blancs. Qu’à cela ne tienne, la réalisatrice Nicole Kassell parvient à "vendre" son projet. Après avoir obtenu le droit d’adapter la pièce, elle en tire un scénario qui sera remarqué par le producteur de Monster’s Ball.
Récit. Après avoir passé 12 ans à l’ombre, Walter (Kevin Bacon) essaie tant bien que mal de renouer avec la société. Il s’installe dans un petit appart (en face d’une école…), se trouve un boulot tranquille et occupe son temps libre à regarder le base-ball à la télé. Ses contacts avec le monde sont limités. Le beau-frère lui rend visite de temps en temps. Un thérapeute l’écoute vider son sac chaque semaine. La routine, quoi.
Walter en vient à se lier d’amitié avec Vickie, une camarade de travail (Kyra Sedgwick, excellente). Quand leur relation devient sérieuse, Walter crache le morceau. D’abord choquée, Vickie finit par passer outre. Elle doit de son côté composer avec ses propres bibittes.
Un après-midi, en rentrant du boulot, Walter suit une fillette jusque dans un parc. Les vieux démons refont surface. Il reverra la petite le lendemain. Ce second rendez-vous, qui génère un moment d’extrême malaise, permet de saisir la détresse du criminel, laissé seul avec une conscience dont il ne peut se porter garant. La séquence, particulièrement dérangeante, constitue le clou du film.
Constat. Le protagoniste principal n’est pas le monstre attendu. Au contraire, il s’agit d’un homme apparemment ordinaire. À la fois attachant et inquiétant, aspirant à la normalité mais conscient qu’il peut à tout moment retomber. Défi pour la réalisatrice: faire en sorte que le public adopte ce personnage difficile, malgré son bagage de gars abîmé. Pas évident, mais réussi.
Premier film très abouti, La Peur du loup bénéficie d’un scénario direct et concis que viennent enjoliver quelques effets subtils (ralentis, jump-cuts…). La palette chromatique, avec ses tons mornes et son grain, reflète l’état d’esprit cafardeux de Walter; la réalisatrice précise avoir adopté une facture visuelle associée au cinéma des années 70. Enfin, on voudra souligner le jeu de Kevin Bacon, terriblement efficace. Le rôle d’une carrière, possiblement.
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