The World : Les faux-semblants
The World nous fait renouer avec l’un des thèmes chers de Jia Zhang-ke: le désarroi de la jeunesse chinoise. Un autre grand film du réalisateur de Plaisirs inconnus.
Délaissant sa morne province natale du Shanxi, Jia Zhang-ke pose sa caméra à Beijing où il réside depuis une dizaine d’années. La grisaille à laquelle le réalisateur de Xiao Wu, artisan pickpocket et de Plate-forme nous avait habitués fait ici place au monde kitsch et coloré d’un parc thématique où s’érigent à échelle réduite les plus célèbres monuments du monde, des grandes pyramides à la tour Eiffel, en passant par Big Ben et les tours jumelles du World Trade Center (qui sont toujours debout à Beijing, de s’exclamer fièrement l’un des personnages). Changement de cap pour le cinéaste trentenaire? À l’instar des touristes par le monde artificiel du parc, ne nous laissons pas leurrer par le froufrou des costumes et les segments animés (apparaissant chaque fois que l’héroïne prend connaissance de ses messages MSN), car The World porte bel et bien la signature remarquable de Jia Zhang-ke.
Chanteuse et danseuse au World Park, Tao (Zhao Tao) personnifie chaque jour des femmes de différentes nationalités. En dehors du strass et des paillettes, sa vie personnelle semble bien banale. Fréquentant Taisheng (Chen Taisheng), son collègue gardien de sécurité, elle découvre que ce dernier vit une relation singulière avec Qun (Wang Wiqun), dont il essaie de retrouver le mari. Un cruel rappel à la réalité qui aura des répercussions tragiques.
Moins contemplatif que Plate-forme et Plaisirs inconnus, The World s’impose tout de même puisqu’il illustre avec autant de force que dans ses précédentes œuvres la vaine quête du bonheur de jeunes amoureux. Une fois de plus, le réalisateur dépeint avec justesse l’incommunicabilité des êtres dans une suite de longs plans-séquences où l’on observe de loin les protagonistes qui semblent laissés à eux-mêmes. L’on remarque toutefois que même s’il cadre rarement ses acteurs en gros plans, Jia Zhang-ke a cette fois-ci opté pour une interprétation moins mécanique qu’à l’accoutumée, donnant ainsi plus d’émotion à l’ensemble. Plus puissant encore, le décalage entre la simplicité de la mise en scène et l’exubérance des spectacles ne fait que renforcer cruellement l’écart incommensurable entre les rêves de grandeur des personnages et la médiocrité de leur réalité.
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