Festival de cinéma des 3 Amériques : Bienvenue en Amérique
Cinéma

Festival de cinéma des 3 Amériques : Bienvenue en Amérique

La 6e édition du Festival de cinéma des 3 Amériques, qui se déroulera du 30 mars au 3 avril prochain, fait la part belle à l’Argentine et au cinéaste Pablo Trapero. Capsules  spatiales.

ARGENTINE

Ana y los Otros

De retour à Buenos Aires après quelques années d’absence, Ana (Camila Toker) se promène sans but évident dans les rues de la ville. Lentement, elle en vient à reprendre contact avec de vieux amis puis cherche à savoir ce qu’il est advenu de Mariano, un ancien copain, dont personne ne semble avoir de nouvelles depuis longtemps. Si le film de l’Argentine Celina Murga est bien ancré dans l’Amérique du Sud contemporaine, ses références renvoient indubitablement au cinéma d’auteur français. Avec son réalisme sobre, ses moments où il ne se passe rien et ses personnages typiquement jeunes et aux discussions autant existentielles que très terre à terre, Ana… peut sembler, à première vue, rébarbatif, mais son auteure veut avant tout coller à une certaine réalité, loin de toute esbroufe.

Ana y los Otros fait partie des cinq longs métrages argentins présentés au Festival. Whisky Romeo Zulu, Oro Nazi en Argentina, La Nina Santa et La Cruz del Sur complètent le programme, en plus des quatre films (dont un court) du réalisateur Pablo Trapero. (J.-F. Dupont)

BRÉSIL

Contra Todos

Chronique d’une famille dysfonctionnelle, Contra Todos met en scène un père tueur à gages récemment converti à Jésus, une seconde femme multipliant les amants avec avidité, une fille à adolescence rebelle et sans-gêne ainsi qu’un ami de la famille apparemment inoffensif. Dans une approche hyperréaliste que ne renieraient pas les tenants du Dogme, le film nous présente une situation tendue et nous invite à suivre les personnages dans leur quotidien afin de graduellement lever le voile sur leurs relations et leur dualité. Paradoxalement, violence omniprésente, sexualité indifférente et noirceur de l’ensemble créent un univers décalé qui bascule ultimement dans le tragique pour finir sur une note cynique. Désenchanté. (J. Ouellet)

O Caminho das Nuvens

À la recherche du travail qui lui permettra de faire vivre sa famille, un homme entraîne cette dernière sur la route, depuis le nord du Brésil jusqu’à Rio de Janeiro, et ce, à bicyclette! Ce road movie pour le moins atypique présente des paysages gorgés de soleil, aux couleurs éclatantes, en plus de vibrer au rythme de la petite tribu dont il suit le périple, avec ses chants a capella et, surtout, l’infatigable espoir qui l’anime. Film d’atmosphère, donc – mais également récit initiatique alors que, pour un des enfants, ce voyage sera l’occasion de prendre son envol -, O Caminho… ne mise certes pas sur une intrigue enlevante, mais charme par sa simplicité et l’authenticité de ses personnages. Optimiste. (J. Ouellet)

O Homen que Copiava

Simple commis à la photocopieuse d’un petit magasin, Andre (Lazaro Ramos) tombe amoureux d’une voisine, devenant ainsi prêt à tout pour simplement lui parler. Sauf qu’Andre doit d’abord se trouver un minimum d’argent, et vite. Le moyen le plus simple devient alors un billet de banque et une nouvelle photocopieuse couleur… Premier film du Brésilien Jorge Furtado, O Homen… se veut un heureux mélange de genres, à la fois léger, extrêmement sympathique et amusant. Débutant sous la forme d’un journal intime raconté en voix off et vraiment bavard, le film verse lentement vers la comédie dramatique qui n’hésite pas à présenter des situations loufoques impossibles, à la limite du réel. C’est donc surtout une première œuvre fraîche qui ne se prend aucunement au sérieux. (J.-F. Dupont)

COLOMBIE

Carlitos 13 Medellin

Ce documentaire produit par Amnistie Internationale nous fait découvrir le jeune Carlitos, 13 ans, parcourant les rues de son quartier de Medellin en Colombie accompagné d’une statue de la Vierge, à laquelle les habitants font part de leurs doléances, de leurs demandes, de leurs peurs… La ville où a été tourné ce documentaire étant l’une des plus violentes du monde, il ne faut pas s’attendre ici à une enfilade de bons sentiments. En fait, le film de Jean-Stéphane Sauvaire ne fait que rapporter et montrer de la façon la plus directe possible, en laissant parler ses intervenants, la dure réalité quotidienne de ces habitants pris entre les milices et la police. Truffé d’observations simples mais très justes, surtout de la part des plus jeunes, Carlitos… demeure souvent très dur, malgré le peu d’images-chocs qu’il recèle. (J.-F. Dupont)

ÉTATS-UNIS

Tarnation

Ce qui fait le génie du documentaire autobiographique de Jonathan Caouette (produit par Gus Van Sant) n’est pas sa forme éclatée à la limite du supportable, ni l’impudeur dont fait preuve son auteur, ni son scénario relatant l’avalanche de malheurs extraordinaires qui s’abattent sur sa famille parfaitement dysfonctionnelle, ni l’affolante quantité d’images domestiques rassemblées en un troublant collage de 90 minutes. Ce qui fait le génie de Tarnation, c’est tout cela ensemble. Ici, la forme rejoint le fond et, avec la symétrie d’une spirale d’ADN, nous plonge en vrille dans l’existence trouble de Caouette et de sa mère, induisant un profond malaise qu’on ressent trop peu au cinéma. Déstabilisant, noir, audacieux, parfois complaisant et narcissique, ce brûlot expérimental recèle cependant le matériau qui manque à la plupart des films du genre: de l’humanité. (D. Desjardins)

CANADA

Les Guerriers

Parmi les nombreux films canadiens au programme, notamment Jimmywork, Les États nordiques et The Limb Salesman, du côté de la fiction, ainsi que Le Petit Jésus, Le Temps des Madelinots et Marron, la piste créole en Amérique, du côté du documentaire, on retrouve Les Guerriers, adaptation de la pièce de Michel Garneau réalisée par Micheline Lanctôt, un huis clos qui garde d’ailleurs une facture très théâtrale, qu’on pense à l’éloquence du langage, aux déplacements des acteurs et à l’aspect parfois déclamatoire de leur jeu. Ici, deux publicitaires (Patrick Huard et Dan Bigras, pas toujours facile à oublier) aux personnalités contrastées s’enferment dans leur bureau afin de trouver un slogan pour les Forces armées. S’ensuit un débat d’idées touffu, un fervent plaidoyer contre la guerre, mais dont le ton se fait parfois pédant. Heureusement, certains passages plus intimes nous révèlent les personnages et le drame complexe qui se joue au-delà du discours. À apprivoiser. (J. Ouellet)

Horsie’s Retreat

Photo: Sophie Giraud

Ayant reçu un étrange message téléphonique d’une copine qu’il n’a pas vue depuis deux ans et n’arrivant pas à la joindre, un ex-junkie tente de découvrir ce qui lui est arrivé. De retour sur les lieux de leur dernière sortie, il cherche alors à faire parler son ami Spiro et sa bizarroïde voisine, les deux dernières personnes à l’avoir vue, tandis qu’il est hanté par des images dont la signification ne lui apparaîtra que progressivement. Baignant dans une atmosphère cauchemardesque, Horsie’s Retreat mêle iconographie de films d’horreur de série Z et réminiscences de trips de drogue de manière stylisée, parfois même à l’extrême. N’empêche, la narration éclatée nourrit le mystère et la redondance de certaines images, l’aspect onirique de cet univers glauque. Sombre et paumé. (J. Ouellet)

A Year in the Death of Jack Richards

Une photo, une conversation enregistrée, un séjour dans un hôpital psychiatrique… Pourchassé par un événement qui le traumatise et un passé qui le hante, Jack Richards tente de fuir tant bien que mal ses pensées en prenant une place de concierge dans un immeuble. Un premier film trouble, incongru et pas toujours très clair dans ses intentions, qui laisse quand même transparaître un fort désir d’originalité autant dans le traitement que dans le sujet. Sur ces points, le film de Benjamin Paquette donne surtout dans l’introspection hallucinée, virant parfois à l’autisme alors qu’il tente de s’immiscer dans l’esprit malade d’un homme brisé. Mais tant qu’à faire bizarroïde, le jeune cinéaste aurait peut-être gagné à y aller carrément à fond dans la psychose. (J.-F. Dupont)

Info: www.fc3a.com

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AMÉRIQUE DU NORD: PREMIÈRE

Marciel Hallucine

Même si son seul lien avec le thème de l’événement est qu’il sera présenté à Québec en première nord-américaine, force nous est de souligner le passage au Festival de Marciel Hallucine, le spectacle de cinéma-théâtre de Marc Hollogne, quatrième volet des aventures de son héros, déjà bien connu en Europe et en Asie. Sur une scène partagée en deux, avec un écran à gauche et un décor à droite, le comédien belge instaure un dialogue entre les médias, alors qu’une histoire s’édifie au gré des allées et venues des personnages et des objets entre l’image et la réalité. En ressort un art du mouvement, de la coordination, du timing, où le cinéma se met au service du spectacle en y introduisant des gros plans, des extérieurs, des effets spéciaux, tandis que le jeu apporte une nouvelle dimension au film, en lui permettant de s’incarner. Les 31 mars, 2 et 3 avril, à 20 h, à l’Impérial. (J. Ouellet)

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TOUS AZIMUTS

En bref…

Encore cette année, le Festival de cinéma des 3 Amériques propose une vaste sélection de courts métrages, dont sept programmes en compétition, soit 8 Comédies pour le prix de une, Dans la froideur du monde (expérimental), Facteur Animex (animation et expérimental), Fragile, PAHF (horreur et fantastique), Scolastix (en provenance d’écoles de cinéma) et Vrai Faux Vrai (documentaire et docu-fiction). Et cela, c’est sans compter la présentation gratuite de deux nuits de projections, organisées en collaboration avec le Festival du film court de Victo, Vitesse Lumière, Prends ça court!, Regard sur le court métrage, le Festival des très courts et le Festival Images en vues, les 1er et 2 avril, à partir de minuit à l’Impérial, ainsi que les événements Kinö Amerika, le 31 mars, à 20 h, et Wapikoni-Paradiso, réunissant des œuvres de jeunes autochtones, le 1er avril à 17 h, chez Rouje. (J. Ouellet)