La Mer intérieure : Le dernier voyage
La Mer intérieure raconte la véritable histoire d’un homme cloué sur son lit durant 30 ans à la suite d’un accident. Propos du réalisateur Alejandro Amenabar.
L’histoire de Ramon Sampedro (excellent Javier Bardem) a touché bien des Espagnols, qui ont suivi l’homme dans son long combat, fortement médiatisé, afin d’obtenir le droit de mourir dignement. Né en 1943, Sampedro avait plongé du haut d’une falaise un jour de marée basse, perdant du coup l’usage de ses membres; il n’avait que 25 ans. Le 12 janvier 1998, il mit fin à ses jours, sans incriminer tous ceux qui l’avaient aidé.
Respectant les récits de Sampedro publiés en 1996 (Cartas desde el infierno), le réalisateur Alejandro Amenabar (Abre los ojos, The Others) et son co-scénariste Mateo Gil ont cependant modifié certains faits et personnages par respect pour les proches de Sampedro. Seraient-ils allés jusqu’à embellir le personnage central? "Même si les proches de Ramon ne s’entendaient pas tous, de raconter le réalisateur joint au téléphone, ils étaient unanimes pour dire qu’il avait un grand sens de l’humour, qu’il était un grand humaniste qui ne jugeait personne. Certaines femmes voulaient l’épouser, car il avait un incroyable pouvoir de séduction. On m’a aussi raconté qu’il était la tête et l’âme de sa famille; en fait, ses proches et les gens du village venaient le voir pour le consulter ou se confier à lui. C’est en réalisant à quel point c’était un homme admirable que j’ai décidé de tourner le film."
À l’image de Sampedro, poète, mélomane et bon vivant, La Mer intérieure se révèle une œuvre lyrique et sensuelle. À des lieues d’un banal téléfilm relatant platement un fait vécu, le film d’Amenabar met en scène l’univers psychique et les rêveries d’un homme qui, malgré sa grande envie de mourir, continuait à savourer pleinement la vie. Se concentrant sur les derniers mois de l’existence de Sampedro, Amenabar signe une œuvre qui célèbre la vie, tout en abordant franchement l’euthanasie et le suicide assisté, deux sujets délicats et toujours d’actualité.
En s’attelant à un tel sujet, nul n’a le choix de prendre position: "Le suicide assisté est un sujet délicat qu’il faut aborder avec soin afin de ne pas encourager les gens à se suicider ou à s’entretuer, explique Amenabar. Comme réalisateur, j’ai tenté d’être respectueux envers les handicapés et les malades. En même temps, je devais respecter ce qui s’était passé. Si j’avais été à la place de Ramon, je n’aurais pas voulu mourir, mais je crois qu’il avait raison de dire que sa vie lui appartenait et qu’il pouvait donc en disposer. C’est pour cela que je crois que le suicide assisté devrait être permis."
Sans jamais tomber dans le pathos, le morbide, ni l’anecdotique, le réalisateur livre un vibrant plaidoyer pour le droit au suicide assisté en exposant sans détour les dilemmes moraux auxquels Sampedro s’est vu confronté. En somme, un film magnifique, engagé et respectueux.
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