Downfall : Les aigles se cachent pour mourir
Cinéma

Downfall : Les aigles se cachent pour mourir

Dans Downfall, Olivier Hirschbiegel raconte les derniers jours d’Hitler dans une décadence nous rappelant que la folie des hommes est un plat qui se déguste saignant.

Le film aura fait couler beaucoup d’encre à sa sortie en Europe. Que ce soit par la voie de critiques exagérément dithyrambiques de quelques quotidiens, ou bien par celle qu’adopte la mauvaise foi habituelle de certains cahiers spécialisés, Downfall d’Olivier Hirschbiegel (Das Experiment) prouve néanmoins qu’il possède cette qualité rarissime de ne pas laisser indifférent un spectateur davantage sensible aux drames domestiques qu’aux horreurs de la guerre. Parmi les plus sévères, demeurent ceux jugeant moralement discutable l’intention du cinéaste d’humaniser Hitler et ceux questionnant l’utilité même d’un tel film. Or, que la discussion porte sur d’insolubles questions d’éthique ou sur un quelconque critère de convenance historique, il n’en demeure pas moins indiscutable que l’objet de ce débat reconduit l’idée de la dette qu’aurait le film de fiction envers l’histoire.

Aucune fiction ne possédant les fonds rédempteurs nécessaires à la satisfaction de cette dette, on ne peut reprocher à Hirschbiegel d’avoir choisi de fabuler à défaut de se dérober à l’irréparable. Aussi, le débat entourant la représentation tragique des derniers jours d’Hitler fait-il fausse route quand il confond morale et tragédie. Il est donc tout à l’honneur du cinéaste d’avoir ce courage shakespearien que même Wenders, ardent pourfendeur du film, ne sait reconnaître du haut de sa paresse poétique.

Downfall évoque la décadence d’un régime bien réel, mais bien au-delà d’une réalité qu’on ne peut transformer sans réfuter, le film exprime d’abord et avant tout la déchéance de l’homme. En comprenant ainsi Downfall, on ne peut qu’être renversé par sa forte charge émotive ainsi que par la retenue presque indécente de sa mise en scène, qui privilégie le huis clos à l’outrance qu’inspire pourtant le sujet. La déchéance d’Hitler et de ses proches émeut moins qu’elle nous porte à nous interroger avec émotion sur la nature cruelle et irraisonnée de l’homme. Porté par des effets dramatiques parfois excessifs et appuyés, Downfall n’est certes pas le chef-d’œuvre attendu, mais il comporte tant de qualités narratives (le jeu formidable de Bruno Ganz) et de bravoures discursives (raconter la décadence sans apitoiement) que de remettre en question sa nécessité relève de la myopie esthétique et de l’aveuglement idéologique.

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