Jimmywork : Légende urbaine
Jimmywork, premier long métrage de Simon Sauvé, s’amuse à brouiller les frontières entre la réalité et la fiction. Entretien avec un réalisateur qui aime prendre son temps.
De festival en festival, où il récolte quelques récompenses, tel le prix du meilleur premier film à Victoria, on parle de Jimmywork comme d’un Blair Witch Project québécois. Alors qu’on compare plutôt son film à Quiconque meurt, meurt à douleur de Robert Morin, le réalisateur de 32 ans ne cache pas que c’est bien ce film d’horreur américain de facture artisanale qui est l’une de ses sources d’inspiration: "J’ai vraiment mordu en voyant ce film! C’est un tour de force qui réussit à convaincre sans rien montrer."
Comment parler du film de Simon Sauvé sans gâcher le plaisir du spectateur? Disons simplement que Jimmywork raconte les tribulations du voisin quinquagénaire de Sauvé, Jimmy (James G. Weber, charismatique personnage semblant issu de l’univers de Bukowski), qui décide de se faire passer pour un producteur américain afin de réaliser une campagne publicitaire pour le Festival western de St-Tite. Armé de sa caméra Hi8, le jeune cinéaste entreprend de filmer la démarche de Jimmy – "je suis comme le Jiminy Cricket de Jimmy", blague-t-il. L’entreprise tournera très mal… "Pourquoi un autre film sur un paumé? s’interroge Sauvé. Jimmy est un bon gars, mais le film fait en sorte qu’il démontre davantage son côté sombre. J’aurais pu faire un film sur Pops, mais ça aurait coûté trop cher de gaz!"
Qu’est-ce qui est vrai dans tout ça? On s’en fout! Et même si le réalisateur a la gentillesse de révéler certaines choses sur le tournage, vous n’en saurez rien! Prenons Jimmywork pour ce qu’il est: un film en noir et blanc à l’esthétique fauchée qui s’amuse à tisser la fiction à coups de vérité. Venant du documentaire, Sauvé, fan de Cassavetes et de Jarmusch, semble s’inspirer du cinéma direct québécois des années 70 pour livrer une œuvre hybride aux allures de film noir un tantinet voyeur qui témoigne du désir de tourner en échappant aux contraintes habituelles.
De fait, Sauvé, qui ne prétend surtout pas incarner le renouveau du cinéma d’ici, s’est payé un grand luxe, celui de prendre quatre ans pour tourner son premier long métrage. Le résultat est peut-être trash mais non moins efficace: "Quand un film est trop léché, je n’y crois pas, avoue Sauvé. C’est comme une poupoune; moi, j’aime mieux les girls next door… Si j’avais un gros budget, ce n’est pas sur la technique que je le mettrais, mais sur le temps de tournage. Je ne suis pas paresseux, mais je n’aime pas quand ça va trop vite; en fait, j’aime me perdre dans un projet à long terme."
Monteur de profession ayant entre autres travaillé avec Gilles Carle (Pouding chômeur) et Robert Lepage (Nô), Sauvé avoue candidement qu’il ne serait pas malheureux si Jimmywork s’agissait de son unique film. Toutefois, souhaitons vivement qu’il trouve du temps afin de nous offrir un prochain film d’ici cinq ans.
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