Anatomie de l’enfer : Sur mes lèvres
Anatomie de l’enfer, adaptation du roman Pornocratie de Catherine Breillat, met en scène la porn star Rocco Siffredi et la courageuse Amira Casar, qui dévoilent corps et âme. Cœurs sensibles, s’abstenir.
Par un soir de cafard, une fille (Amira Casar, doublée dans les scènes trop corsées) se taillade les poignets dans les toilettes d’un bar gay. Constatant les dégâts, un homme (Rocco Siffredi) lui demande pourquoi elle a fait ça. "Parce que je suis une femme", lui répond-elle avec ses grands yeux de biche farouche. Dites donc, ça commence bien! Une pipe plus tard, la fille recrute l’homme afin qu’il l’observe "par là où elle n’est pas regardable". Ainsi, il regardera, non sans dégoût, ce tableau vivant de Courbet durant quatre nuits, lesquelles nous paraîtront interminables. S’ensuivront des scènes d’un goût douteux qui ont fait fuir les spectateurs, des hommes pour la plupart, lors du Festival de Toronto. Des exemples? Alors que la belle Olympia est dans les bras de Morphée, l’homme en profite pour lui maquiller les lèvres – et l’on ne parle pas de sa bouche – et enfouir un outil de jardinage au tréfonds de son intimité. Et ce n’est pas tout!
De fait, la psychologie primaire de Catherine Breillat, qui assure la narration sur le ton d’une élève appliquée, s’exposera avec prétention dans ce huis clos statique et sombre où évoluent deux exaspérants clichés: une femme se posant en victime en raison de son sexe et un homosexuel misogyne. Au cours de cette guerre des sexes peu subtile, viendront les allusions à la peur de la castration et au mythe du vagin orné de dents. C’est ce bon vieux Sigmund qui doit se retourner dans sa tombe. Déjà traumatisé par la vue de son sexe maculé de sang après s’être retiré de sa partenaire, monsieur se voit offrir un verre d’eau où madame a fait tremper son tampon. "Allez, bois le sang de l’ennemi", lui dit-elle. Bon sang, les menstrues seraient-elles encore un sujet tabou? En pensant aux poétesses québécoises qui les ont louangées dans les années 70, comment ne pas trouver la démarche de Breillat complètement ringarde?
Celle qui nous arrivait récemment avec Sex is Comedy, making of fictif d’À ma sœur et fort intéressante réflexion sur le cinéma, mise une fois de plus sur la provocation pour explorer le désir féminin. Mais alors que la porno a gagné quelques lettres de noblesse avec les Chéreau, Bonello et Breillat elle-même, la nudité et la crudité doublées de longues tirades plus soporifiques que philosophiques d’Anatomie de l’enfer provoquent tantôt l’ennui, tantôt le rire. Il est vrai que dans la bouche de Rocco Siffredi, les mots de la romancière paraissent encore plus ridicules tellement il ne pige rien du discours pseudo-intello qu’il ânonne. Force est de constater que le bel étalon italien aux yeux de merlan frit n’a guère fait de progrès à titre d’acteur sérieux depuis Romance. Enfin, seule Amira Casar s’en tire avec grâce dans cette curiosité pour les irréductibles fans de Breillat.
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