Vues d’Afrique : Paroles de femmes
À voir à Vues d’Afrique cette semaine: trois films, trois pays, trois regards de femmes africaines sur l’incompréhension et le mépris.
Le festival Vues d’Afrique, qui se termine le 24 avril, aura permis de voir des femmes africaines prendre la caméra et la parole pour parler franchement de leur monde et de leur Afrique. Avec le film documentaire Le Plafond de verre, la réalisatrice d’origine algérienne Yamina Benguigui s’interroge sur une forme larvée de racisme et d’exclusion en France. Le "plafond de verre" ici, c’est cette barrière invisible, mais pourtant bien réelle, qui empêche les jeunes Français issus de l’immigration d’avoir accès à des emplois "de qualité". Les jeunes diplômés que rencontre Benguigui ne sont pas des immigrants. Ils sont nés en France, ont fait des études (parfois longues), ont décroché les diplômes requis mais… ont un nom à consonance africaine ou maghrébine. Malgré leur grand enthousiasme, les lettres de refus se multiplient et les entretiens d’embauche se font rares. Une réalité s’impose alors à leurs yeux: aux "Gaulois" les postes de cadres. À Kamel, Mohammed ou Fatima les postes d’ouvriers. Plusieurs vivent dans la douleur, dans l’angoisse et dans le désespoir cette situation dans laquelle ils se sentent dévalorisés et humiliés. Sur le plan formel, le film de Yamina Benguigui est plutôt classique. Mais cette modestie esthétique permet de faire toute la place aux victimes de cette discrimination. Au-delà de sa dimension sociologique, ce problème prend un visage résolument humain.
Un amour pendant la guerre, de la Camerounaise Oswalde Lewat-Hallade, est un film tout simplement remarquable. Marqué d’une profonde humanité et d’une étonnante authenticité, ce documentaire raconte l’histoire d’Aziza, une journaliste congolaise qui, pendant six ans, a vécu seule avec ses quatre enfants, à Bukavu, alors que son mari était bloqué à 2000 kilomètres de là, à Kinshasa, par la guerre qui a littéralement coupé le pays en deux. Lorsque la famille sera enfin réunie, dans la capitale, les années de séparation et les expériences troublantes de la guerre vécues par Aziza mettront le couple à rude épreuve. L’un et l’autre ont changé, surtout Aziza. D’ailleurs, à peine a-t-elle retrouvé son époux que déjà elle retourne au Sud Kivu, malgré les protestations de son mari, pour retrouver son amie Feza, une jeune femme séquestrée par des soldats et réduite au statut d’esclave sexuelle pendant la guerre. Aujourd’hui, elle est mère de l’enfant de l’un de ses agresseurs.
Ce qui dans un premier temps semblait être l’histoire d’un couple se transforme donc progressivement en un récit beaucoup plus profond et troublant. De retour dans l’Est du pays avec Aziza, la réalisatrice donne la parole aux femmes congolaises victimes de cette campagne de viols systématiques commis par les soldats. Des femmes de tous âges révèlent ce qu’elles ont vécu. Une femme de 63 ans raconte courageusement son supplice. À ses côtés, une femme plus jeune, mal à l’aise, le lui reproche: "Ce ne sont pas vraiment des choses racontables." Mais "le monde doit savoir que ça se fait", dira plus tard Aziza.
À l’origine de la fiction Sous la clarté de la lune, de la Burkinabé Appoline Traoré, il y a une idée intéressante qui propose un sous-texte très riche. Une fillette métisse qui se meurt d’un cancer retourne en Afrique avec son père, un ingénieur français, et renoue avec ses racines et sa mère qu’elle ne connaît pas. Les premiers contacts entre les deux mondes ne se font pas sans heurts. Il y a, d’un côté comme de l’autre, de la méfiance et du mépris. De plus, le souvenir d’une faute morale commise par le Français plane sur ces retrouvailles. Malheureusement, la mise en scène et l’interprétation, très approximatives, ne permettent jamais au film de prendre son envol.
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