L’Interprète : Rififi à l’ONU
L’Interprète a ceci de particulier qu’il a été filmé en partie dans le Q.G. des Nations Unies. Et à part ça?
Ouais, ou bien Sidney Pollack a des amis haut placés, ou bien il possède un sacré sens de la persuasion. À ce jour, personne n’avait obtenu le privilège consenti au réalisateur d’Out of Africa: tourner à l’intérieur du bâtiment hébergeant l’ONU. Cadre principal de L’Interprète, le quartier général des Nations Unies ressemble à 1000 constructions du genre (décor neutre, couloirs propices aux courants d’air…) et aurait probablement pu être cloné en studio pour pas cher. Mais ça fait chic de dire qu’on a pénétré dans le saint des saints. Cette permission spéciale accordée à Pollack n’est pas la seule curiosité de L’Interprète. On s’étonnera également de voir Nicole Kidman, malgré sa grande polyvalence, camper une interprète maîtrisant parfaitement un dialecte africain, le ku, parlé par "environ huit personnes". Ah oui, Nicole est aussi flûtiste à ses heures. L’instrument lui rappelle l’Afrique, où elle – son personnage, en fait – a grandi.
Mais Nicole n’a guère le temps de souffler dans un bout de bambou. Sa vie est en danger. Un soir, après le boulot, elle a entendu deux individus comploter contre le président du Maboto, qui doit bientôt s’adresser à l’Assemblée générale onusienne. Ça sent le ku d’État. Heureusement, Sean Penn est là qui, en sa qualité d’agent du FBI, protège la belle Nicole et tente d’éventer cette grave affaire. Mécanique compétente, L’Interprète est l’affaire d’un vieux routier qui sait conduire un suspense. Ménageant ses effets, plaçant inévitablement ses punchs au bon endroit, Pollack occupe ses deux heures de façon à ce qu’on se ronge les ongles jusqu’à la fin.
Si le vieux cinéaste n’a guère à montrer (encore New York vue d’en haut…), il semble, en revanche, avoir beaucoup à dire. Son portrait assez naïf de l’ONU, participant d’un éloge de la diplomatie, est assombri par divers actes de violence assez troublants (attention, le ver terroriste s’est refait un trou dans la Grosse Pomme…). Ailleurs, sa conception un brin positiviste de la politique étrangère est éclipsée par un sombre commentaire sur l’insécurité intérieure (oui, le FBI cafouille encore). Discours contradictoire, souvent schématique aussi, mais certes touffu et loin d’être inintéressant. Qu’en pensera M. Annan?
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