10e chambre: instants d'audiences : L'humanité
Cinéma

10e chambre: instants d’audiences : L’humanité

10e chambre: instants d’audiences, de Raymond Depardon, présente 12 hommes et femmes face à la justice. La vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Dans Les Justes, Karina Goma et Stéphane Thibault sondaient l’opinion générale sur la justice en donnant la parole à trois rentiers hantant les couloirs des palais de justice. Simple et direct, ce documentaire nous amenait à nous demander ce qui rendait l’exercice de la loi si fascinant aux yeux des badauds. Soif de justice, goût du sensationnalisme ou pur voyeurisme? Avec 10e chambre: instants d’audiences, c’est au tour du spectateur lui-même de se repaître avec avidité du théâtre de la cour et de tenter d’y trouver une réponse.

Dix ans après Délits flagrants, où il présentait la comparution de 14 personnes accusées de délinquance mineure, Raymond Depardon (La Captive du désert) récidive avec un documentaire tout aussi fascinant qui, bien plus que de lever le voile sur les forces et les failles du système judiciaire français, dévoile la vraie nature de l’homme dans toute sa splendeur – et sa laideur. Du port d’arme illégal au trafic de drogue, les causes entendues comportent tantôt de purs moments cocasses, tantôt de grands moments troublants.

Présidés par la chaleureuse mais non moins imperturbable Michèle Bernard-Requin, l’une des trois substituts du procureur de Délits flagrants, ces instants d’audiences s’avèrent des concentrés de vie d’une criante vérité, et ce, même si certains tentent de l’embellir à force de minauderies ou d’extrême politesse, telle cette artiste peintre arrêtée en état d’ébriété ou ce toxicomane qui s’enfarge dans ses mensonges. Chassez le naturel, il revient au galop… même dans un environnement aussi protocolaire et rigide que le tribunal. De spectacle, l’ensemble devient alors miroir: que ferions-nous à la place de ces gens?

Filmant ses "acteurs" à hauteur d’homme, Depardon, qui a obtenu l’autorisation exceptionnelle de tourner à la 10e Chambre correctionnelle de Paris de mai à juillet 2003, ne tente jamais d’influencer notre jugement. Le résultat, d’une simplicité désarmante et diablement efficace, nous scotche sur notre siège où nous sommes à tout moment assaillis de questions. Par exemple, devant ce portrait d’une France multiethnique, force est de nous demander si les immigrants ont droit au même traitement que les Gaulois "pure laine". Une réponse que nous aurions peut-être pu obtenir si Depardon avait filmé les délibérations.

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