Imaginary Heroes : Plein de troubles
Cinéma

Imaginary Heroes : Plein de troubles

Imaginary Heroes de Dan Harris trace le portrait d’une famille dysfonctionnelle aux prises avec des problèmes, des troubles et des pépins. Brève rencontre avec le réalisateur, Jeff Daniels et Sigourney Weaver.

C’est fou comme il s’en passe des choses chez les Travis, petite famille en apparence parfaite d’une banlieue huppée. D’abord, le fils aîné qui se flingue sous prétexte qu’il n’a jamais aimé la natation, même s’il était le champion préféré à son papa. Ce dernier, Ben (émouvant Jeff Daniels), en sera si terrassé qu’il traitera son fils cadet Tim (Emile Hirsh, solide) et sa douce moitié Sandy (délicieuse Sigourney Weaver) comme des étrangers. À couteaux tirés avec sa voisine, madame carburera au pot alors que fiston vivra sa vie d’ado avec toutes les complications que cela implique. Au menu de ce soap, pardon, de ce premier long métrage du jeune Dan Harris, coscénariste de X2: X-Men Reunited, Superman Returns et le remake de Logan’s Run: suicide, dépression nerveuse, inceste, adultère, violence, sexe, drogue et rock’n’roll.

Pas de doute, Harris en avait lourd sur la conscience: "Imaginary Heroes est un recueil d’événements qui sont arrivés dans ma vie, relate le cinéaste rencontré lors d’une table ronde au Festival de Toronto, pas directement à moi, mais à mon entourage. Déjà enfant, j’étais fasciné par les tragédies familiales; pendant des années, j’ai collectionné ces histoires. Pour mon premier film, je voulais raconter une histoire de secrets et de mensonges dans un milieu qui m’était familier… et je jure que je n’ai pas vu Ordinary People auquel on compare mon film." Qu’il l’ait vu ou non ne change rien, le problème, ce n’est pas de reprendre le point de départ du film de Robert Redford, mais bien d’avoir voulu explorer mille et un sujets sans jamais vraiment les approfondir. En résulte une saga familiale qui, malgré ses nombreux rebondissements, n’arrive jamais vraiment à nous captiver. Mais au fait, pourquoi tant de drames tordus dans une banlieue proprette? Sigourney Weaver esquisse une réponse: "On suppose que la ville est pleine de fous, or, ça ne veut pas dire que la banlieue en soit à l’abri; je crois qu’en partie, Imaginary Heroes traite de la difficulté d’être conventionnel en banlieue, un lieu artificiel qui ne m’attire pas du tout."

Fort heureusement, quelques personnages sortent du lot et insufflent une part d’humour dans ce trop long mélodrame de cuisine: "Au départ, je voulais amener les personnages à poser des gestes inattendus pour le spectateur, mais qui soient logiques pour eux-mêmes, de poursuivre Harris. Par exemple, Sandy en veut à sa voisine, même si elle se sait fautive; pourtant, elle ne lui dit rien et lui ferme la porte au nez. C’est difficile de faire rire les gens devant un drame, je dois une fière chandelle aux acteurs, particulièrement à Sigourney Weaver qui, en apportant beaucoup d’elle-même, donne une dimension dure et effervescente à Sandy."

Ainsi, à l’instar du récent The Upside of Anger de Mike Binder avec Joan Allen, le grand intérêt d’Imaginary Heroes demeure le plaisir de voir Weaver mordre à belles dents dans son rôle de mère désabusée: "Sandy est beaucoup plus qu’une mère, d’expliquer Weaver, c’est une femme remplie de contradictions; elle est aussi entêtée, sarcastique et parle plus qu’elle ne devrait le faire… c’est tout un univers à explorer! J’aime l’idée qu’elle soit figée dans le temps, qu’elle se perçoive encore comme à l’époque où elle était heureuse. Je crois que tous les personnages sont magnifiquement écrits; ils ont tant de dimensions que cela nous permet d’exister pleinement en eux."

Jeff Daniels, à qui l’on doit les moments les plus touchants du film, renchérit: "Lorsque l’on se voit offrir un rôle secondaire, on n’a pas vraiment l’occasion d’échanger avec le réalisateur, on doit se rendre à l’essentiel. Avec Dan, j’ai eu la chance de pouvoir discuter pendant une semaine des histoires secondaires, du comportement des Travis, ce qui a beaucoup aidé à créer mon personnage. Pour le reste, il a fallu retourner à la source de la souffrance, même si ce n’est pas plaisant, afin d’imaginer comment Ben vivait les différentes étapes du deuil tout seul sur son banc de parc puisqu’il n’y a ni scènes ni dialogues à ce propos, mais ça, c’est le propre de jouer les seconds violons, on doit faire soi-même sa propre histoire." Malgré tous ses nobles efforts, l’ensemble n’en reste pas moins facile à oublier.

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