Mémoire d'un saccage : De bruit et de fureur
Cinéma

Mémoire d’un saccage : De bruit et de fureur

Avec Mémoire d’un saccage, Ours d’or d’honneur à Berlin en 2004, Fernando E. Solanas renoue avec le documentaire et livre une fresque fracassante sur la chute de l’Argentine.

Les premières images de Mémoire d’un saccage (Memoria del saqueo) nous plongent dans le chaos. En 2001, peu après que les banques du pays eurent fermé leurs portes, les Argentins, armés de casseroles, manifestent dans les rues de Buenos Aires. Impressionné par ces événements qui provoqueront la chute du gouvernement de Fernando de la Rua, le cinéaste et ex-député national au Parlement Fernando E. Solanas (Tangos, l’exil de Gardel) saisit sa caméra DV et filme ses compatriotes révoltés contre les politiciens corrompus.

Divisé en 10 chapitres et un épilogue (à l’aide d’intertitres-chocs), Mémoire d’un saccage relate avec force témoignages de spécialistes comment des gouvernements élus par le peuple ont participé à la chute de l’un des pays les plus riches du monde dans les 20 dernières années. Parmi ces élus, figure Carlos Menem que les Argentins ont d’abord pris pour un sauveur.

Ayant clamé haut et fort au peuple qu’il ne le trahirait pas, Menem se transforme dès son élection en 1989 en dandy avide d’argent qui préfère poser pour la postérité avec les Rolling Stones plutôt que de se préoccuper de son pays qui s’enfonce dans la misère. Solanas, qui a tenté vainement de poursuivre Menem en 1991 pour avoir vendu les entreprises pétrolières de l’État et qui en a été quitte pour six balles dans les jambes, s’attarde à dénoncer sans ambages celui qui a sans doute incarné l’une des pires racailles à avoir gouverné l’Argentine.

Véritable cours d’histoire de l’Argentine en rafale, le documentaire de Solanas, qui avait signé en 1968 L’Heure des fourneaux afin de dénoncer la dictature, contient tellement d’information que le spectateur n’arrivera pas à saisir toute l’ampleur de la situation – à moins de voir le film plus d’une fois. Toutefois, il ne pourra oublier ces images de nourrissons souffrant de malnutrition et d’enfants abandonnés vivant dans les dépotoirs. Une jeunesse sacrifiée et impuissante qui n’augure rien de bon pour l’avenir d’un pays déjà lourdement hypothéqué. En voulant alerter la communauté internationale au sujet de la réalité argentine, Solanas signe peut-être un douloureux et révoltant requiem pour son pays.

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