Mon ami Machuca : Au régime, les enfants!
Mon ami Machuca observe la chute du Chili de Salvador Allende par les yeux de deux garçonnets. Comme une leçon d’histoire conçue par des élèves du primaire.
Gonzalo (Matias Quer) fréquente un collège bourgeois de Santiago. Tête de turc de ses camarades, il se tourne vers un nouvel élève, Pedro Machuca (Ariel Mateluna), en qui il trouve un copain fidèle. Enfant des bidonvilles, Pedro a été admis à l’école sur l’initiative de son directeur, un curé aux visées progressistes. Bien qu’issus de milieux opposés, les deux enfants deviennent rapidement inséparables. Avec Silvana (Manuela Martelli), une ado habitant la même favela que Pedro, les garçonnets prennent part à diverses manifestations politiques où ils vendent des bannières de toutes les couleurs – peu importe la cause, pourvu qu’on en tire un profit. Bientôt, le climat social se réchauffe dangereusement et les jeux des garçons prennent un tour résolument sérieux. Soumise à de sérieuses turbulences échappant à leur volonté, l’amitié de Pedro et de Gonzalo sera mise à rude épreuve.
S’inspirant de sa propre expérience, Andrés Wood est le premier réalisateur chilien de sa génération – les 30-40 ans – à raconter les événements de septembre 1973. Le regard qu’il propose est celui d’un enfant qui, dans toute sa candeur et sa naïveté, relate des événements sans bien pouvoir les juger ou en évaluer les conséquences. Partant, Machuca s’apparente à une leçon d’histoire préparée par un tout-petit de 10 ans. C’est dire les limites factuelles de l’affaire, qui ne saurait prétendre à une grande portée historique. Le film baigne donc dans un flou narratif – le contexte sociohistorique est esquissé en traits pointillés – parfaitement revendiqué par l’auteur. Ce dernier, en revanche, s’applique à reconstituer l’époque avec une précision presque maniaque – de la musique au mobilier, tout semble d’origine. À ce chapitre, le coup d’œil posé par la jeunesse peut se révéler d’une grande clarté.
Développé en clair-obscur, Machuca dévoile ses intentions profondes en fin de course. Dans l’ambiguïté, il va de soi. Lorsque tombe la conclusion, amenée de manière allusive, les garçons sont séparés par les événements. Leur drame commande les larmes. Pourtant, d’un geste ultime posé par Gonzalo, point une lueur d’espoir. La jeunesse, dépucelée de son innocence, ouvre enfin les yeux. Wood nous le fait bien voir. Touchant.
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