Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants : Charlotte forever
Cinéma

Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants : Charlotte forever

Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants réunit de nouveau le couple Gainsbourg-Attal, trois ans après Ma femme est une actrice. Entretien avec l’acteur-réalisateur toujours amoureux de sa muse.

Après s’être intéressé à l’amour d’un gars ordinaire pour son actrice de femme, Yvan Attal se penche sur le destin d’un couple BCBG en signant une comédie au romantisme teinté de cynisme – ce qui s’avère parfait pour les cinéphiles allergiques à la saccharose ou à la guimauve. Pourtant, malgré tout le pessimisme qui traverse ce deuxième film, s’incarnera sous nos yeux ravis l’image parfaite du prince charmant: "Je crois que mon premier film était une comédie romantique alors que celui-ci est plutôt une comédie dramatique, d’expliquer Attal, rencontré au Festival de Toronto. Il est plus pessimiste à cause du constat sur le couple. Ce en quoi je crois, c’est l’amour. Même si on montre un couple condamné à 90 % à l’échec, si on le présente amoureux et sincère, ça reste vivant et à l’écoute. Ce serait terrible de raconter l’histoire de quelqu’un qui aime quelqu’un d’autre et qui n’ose pas partir. Peut-être que je suis un romantique au fond… et pourtant mon titre se veut cynique: on court tous après ça, tous les contes de fées se terminent comme ça, comme si c’était ça le bonheur. Moi, je voulais montrer que ce bonheur, il est assez difficile à atteindre et à assumer."

Marié à Gabrielle (Charlotte Gainsbourg, exquise), Vincent (Attal) fait l’envie de ses deux copains, Fred le don Juan qui souhaite enfin se caser (Alain Cohen, qui n’a vraiment pas la gueule de l’emploi) et Georges (Alain Chabat, égal à lui-même), dont l’union avec Nathalie (Emmanuelle Seigner, étonnante en anti-femme fatale) bat de l’aile. Pourtant, Vincent a une maîtresse, ce que ses potes ignorent et que Gabrielle sait sans le lui révéler. Cette dernière, qui aime son mari, se prendra à rêver d’une autre vie lorsqu’elle croisera le regard d’un bel inconnu à l’accent américain irrésistible (Johnny Depp). Eh non, vous ne rêvez pas, c’est bien le mec de Vanessa Paradis qui fait discrètement sa première apparition dans un film français: "Souvent, les choses les plus invraisemblables se passent le plus simplement du monde. J’ai demandé à le rencontrer et je lui ai donné un DVD de mon premier film. Il a aimé le scénario; on s’est rencontrés à quelques reprises et il a finalement dit oui. Cela dit, moi aussi, j’ai cru rêver quand je l’ai vu apparaître cet après-midi-là chez Virgin…"

Une fois de plus, Attal porte les chapeaux d’acteur, de scénariste et de réalisateur, à son corps défendant, et se donne volontairement le rôle du mari ingrat, tâche dont il s’acquitte avec force conviction: "Je ne le voulais pas, mais quand on aime le cinéma, on a envie de tout faire. J’ai de moins en moins envie de faire l’acteur; je trouve que c’est plus passionnant d’être réalisateur que d’être acteur, c’est un long processus créatif intellectuel dans lequel je me sens mieux. Mon premier désir était d’être metteur en scène; malheureusement, pour entrer à l’école de cinéma, il faut réussir son bac… Comme je l’ai raté, je me suis donc inscrit à un cours de théâtre, puis les films se sont enchaînés… Quant au personnage de Vincent, je crois que jouer des gens qui ont des défauts nous amène à leur trouver une humanité, à nous poser des questions sur les agissements des gens et le sens de la vie."

Et pourquoi reprendre Charlotte pour jouer l’épouse? "Mais parce que je l’aime… de répondre spontanément Attal. Faire un film, c’est long, angoissant et laborieux; on a donc envie de travailler avec les gens qui sont le plus adaptés à ce que l’on veut faire, donc Charlotte, et après on a envie d’avoir les gens qu’on aime autour de nous parce qu’on sait qu’on va disparaître pendant un long moment… alors autant le faire avec les gens qu’on aime."

Porté par une trame sonore planante, laquelle comporte des morceaux de Radiohead et du Velvet Underground choisis avec soin par le scénariste-réalisateur mélomane, Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ne casse sans doute pas la baraque en ce qui a trait aux relations hommes-femmes. Cependant, hésitant entre le portrait cynique d’une génération désabusée et le conte de fées version urbaine pour irréductibles romantiques, cette deuxième réalisation d’Attal parvient à séduire par ses petites scènes de la vie conjugale pleines de fraîcheur, de ludisme et de fous rires. Tout simplement craquant.

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