Le Grand Voyage : Silences exacts
Cinéma

Le Grand Voyage : Silences exacts

Dans Le Grand Voyage, un jeune homme se résigne à conduire à La Mecque son père dont tout le sépare. S’ensuit un rapprochement discret, entre frictions et silences.

Un jeune Français avec des préoccupations bien de son âge et de son temps (Nicolas Cazalé), qui préférerait apparemment échapper à ses obligations familiales et rompre avec ses origines marocaines, accepte à contrecœur de jouer les chauffeurs pour son père (Mohamed Majd), un homme sévère et autoritaire, à l’occasion de son pèlerinage à La Mecque. Au départ, ni l’un ni l’autre ne se préoccupent des convictions ou des aspirations de son vis-à-vis. Toutefois, comme on peut s’en douter, ce voyage entre la France et l’Arabie Saoudite en passant par l’Italie, la Slovénie, la Croatie, la Yougoslavie, la Bulgarie, la Turquie, la Syrie et la Jordanie, voyage déclinant des paysages tantôt urbains, tantôt désertiques, voire enneigés, finira par les rapprocher. Un apprivoisement tout en nuances, dont le résultat, loin de donner lieu à de grands épanchements, demeurera sobre, mais non moins senti. Ainsi, ayant appris à composer avec leurs différences au fil des péripéties de toutes sortes, ils en viendront enfin à s’intéresser, non sans retenue, à ce qui compte pour l’autre.

Ce qui est intéressant dans cette histoire, c’est que les protagonistes n’ont pas à renoncer à ce qu’ils sont pour en arriver là, les points de vue de chacun demeurant bien campés et défendus. Ici, la rencontre n’exige pas de conversion radicale, mais simplement un mouvement d’ouverture. Tandis que l’approche subtile d’Ismaël Ferroukhi montre également combien de petits gestes peuvent parfois trahir de profonds changements. Ainsi, les dialogues, ténus, font la part belle à des silences toujours chargés de sens. De même, alors qu’on ne connaît pratiquement rien de leur passé, les personnages, tout comme leur relation d’ailleurs, se révèlent dans l’instant présent, dans les petites et grandes épreuves du périple, plutôt que de nous être racontés ou expliqués. Un réalisme psychologique qui confère à ce road movie un rythme posé, sans pour autant le dénuer de mésaventures, parfois prévisibles mais souvent surprenantes, et de personnages inusités, voire symboliques, qui le rendent accrocheur. Si bien que, malgré un principe connu, on a plaisir à en découvrir les spécificités, en plus de se laisser toucher par le destin de ces héros interprétés avec authenticité. Simple et efficace.

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