Le Guide galactique : Délire postmoderne
Le Guide galactique offre de bons moments de rigolade grâce à son humour burlesque et à son esthétique débridée. Pour la substance, toutefois, on repassera.
Série-culte née sous la plume de l’auteur Douglas Adams, Le Guide galactique, parodie des œuvres de science-fiction, fut d’abord entendue à la radio de la BBC à la fin des années 70. Le succès fut tel qu’il engendra rapidement une série télé, des livres, des adaptations théâtrales et même un jeu vidéo. Et voilà maintenant qu’après 20 ans de démarches et de faux départs, ce véritable phénomène culturel est enfin adapté au cinéma.
Le film (sur lequel Adams a pu travailler avant sa mort en 2001) raconte les tribulations d’Arthur Dent (Martin Freeman, parfait pour le rôle), un type bien ordinaire qui, un matin, est réveillé de façon plutôt brutale. Avant même d’avoir eu le temps de terminer son déjeuner, il apprend que sa maison sera démolie pour faire place à une autoroute (les bulldozers sont déjà à la porte), que son meilleur ami est en vérité un extra-terrestre et que la Terre sera détruite incessamment afin de permettre le passage d’une autoroute intergalactique. Et avant même qu’Arthur ait pu dire ouf! (et retirer son pyjama), le voilà entraîné dans une course cosmique à la recherche de l’ultime réponse au sens de la vie.
Chez les fans, ce film était attendu avec un mélange d’enthousiasme et d’appréhension. Certes, Le Guide galactique allait pouvoir s’épanouir sur grand écran. Mais cet univers ébouriffé, éclaté et essentiellement littéraire allait-il survivre à l’adaptation cinématographique? Le pari était plutôt risqué, surtout que les producteurs ont confié la réalisation à Garth Jennings, un réalisateur de clips qui n’avait jamais touché au long métrage auparavant. Or, force est de constater que pour l’essentiel, le réalisateur a su relever le défi. Extrêmement divertissante, son illustration de l’esprit délirant d’Adams est bien servie par une réalisation efficace, des acteurs plutôt à l’aise, des décrochages esthétiques réussis et, surtout, par une conception visuelle époustouflante.
Pourtant, le film ne convainc pas totalement. À trop vouloir en dire, comme c’est souvent le cas dans les adaptations, Le Guide galactique reste constamment en surface. Trop de personnages et trop de situations se bousculent au portillon. Au sortir du film, on a la tête pleine d’images et de souvenirs de scènes drôles et réussies, mais qui sont comme des tableaux autonomes les uns par rapport aux autres. Et c’est en vain qu’on cherchera à dégager un sens à tous ces feux d’artifice qui brûlent brillamment mais de façon bien éphémère.
Il est vrai que dans l’esprit du Guide, la quête de sens n’est pas un objectif narratif, bien au contraire. Il faut ajouter qu’au moment de la création du concept original, la culture occidentale se découvrait une envie pressante de remise en question des formes, des structures, "des grands périples et des grands buts", comme l’écrivait Lyotard. Respectueux de cette démarche, le film souscrit entièrement à l’esthétique postmoderne. Mais cette stratégie, qui a marqué le cinéma mondial des années 80, a depuis disparu des écrans. Aussi, tout au long du visionnement de Le Guide galactique, on se dit que, malgré toutes ses qualités, le film est peut-être arrivé 10 ou 15 ans trop tard.
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