Le Royaume des cieux : Chevalier errant
Avec Le Royaume des cieux, Sir Ridley Scott, le réalisateur de Blade Runner et de Gladiator, nous livre sa version des croisades dans un film épique somptueux, spectaculaire et problématique.
Grâce à son immense succès, l’opulent Gladiator a donné un nouveau souffle à ce genre moribond qu’était le drame épique. Cinq ans plus tard, Scott remet ça avec une nouvelle production à grand déploiement où un héros inventé se frotte à des personnages historiques sur fond de grands tumultes guerriers. Le Royaume des cieux fait revivre l’époque des Guerres saintes avec tout le pompiérisme auquel on pouvait s’attendre, à grand renfort de répliques déclamatoires sur la noblesse des chevaliers et la grandeur de Dieu.
L’action se déroule en 1186, presque 100 ans après que Jérusalem eût été conquis à la suite de la première croisade. Sous le règne du roi lépreux Beaudoin IV, la ville jouit d’une paix fragile, mais demeure toujours menacée par les troupes du sultan Saladin, qui a promis de rendre un jour la cité aux musulmans. C’est dans ce contexte que va émerger notre héros, un jeune forgeron français sacré chevalier (Orlando Bloom, un peu fade), qui s’est joint aux croisés sans grande conviction. Son destin va l’amener à défendre la ville sainte lorsqu’elle sera assiégée par les 200 000 soldats de Saladin.
Comme en témoignait déjà de façon préoccupante la bande-annonce du film, Le Royaume des cieux reprend plusieurs des recettes esthétiques de Gladiator, en particulier dans les scènes de combat: même utilisation des ralentis et des mouvements syncopés, même traitement décoloré de l’image pour accentuer l’impact du métal et du sang, même sentiment de confusion créé par un montage au hachoir et même lyrisme un peu pompier. La différence, et elle est énorme, c’est que Gladiator reposait sur un excellent scénario, avec de solides enjeux dramatiques ancrés dans une bonne vieille histoire de vengeance individuelle.
En comparaison, le scénario de Le Royaume des cieux apparaît inabouti et son héros, sans flamme. Le film lève, puis redescend avec toute la lourdeur et la lenteur d’une foreuse à pétrole, en particulier lors du siège de Jérusalem, qui occupe le dernier quart du récit. Certains passages sont d’une grande beauté (la découverte de la Ville sainte, les funérailles de Beaudoin IV), mais en l’absence d’une véritable montée dramatique, on se retrouve devant un bel exercice d’illustration qui manque de nerf et de passion. Ce qui est un comble, pour un film consacré aux Guerres saintes.
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