Soupirs d’âme/En attendant la pluie : Les traces de la mémoire
Le distributeur Vidéo femmes propose au cinéma Beaubien deux films qui abordent, chacun à leur façon, l’évocation de la mémoire et la question de sa mise en image.
L’oeuvre principale de ce diptyque est Soupirs d’âme, moyen métrage de la réalisatrice québécoise Helen Doyle (Les Messagers). À la fois essai poétique, journal intime et œuvre de fiction, ce film atypique est remarquable à plusieurs points de vue. Primé à Créteil et au FIFA, le film suit le parcours initiatique d’une femme qui, après un voyage à Sarajevo et la mort de son père, est emportée par le tourbillon de son propre passé d’enfant adopté.
Cinéaste d’expérience, Helen Doyle a réussi à créer ici un univers d’une grande profondeur artistique et psychologique. "Ce film, c’est ma vérité! Comme Kate [le personnage principal de Soupirs d’âme], je suis allée à Sarajevo en 1996 pour tourner un film. Et là-bas, j’ai vraiment vécu l’épisode de l’orphelinat (le directeur de l’établissement qualifie les enfants de bâtards). Ce mot-là a provoqué quelque chose de profond en moi. Je viens d’un orphelinat, moi aussi."
Puis, peu de temps après, le père d’Helen Doyle s’est éteint. Cet événement allait provoquer une autre "faille" dans l’âme de la réalisatrice. Elle s’est alors mise à écrire plusieurs nouvelles qu’elle a cependant préféré garder dans ses tiroirs. "Mais rapidement, je me suis rendu compte que tout ça me travaillait trop, qu’il fallait que j’en parle."
Très tôt dans le processus de création, la réalisatrice a su comment elle allait en parler. "Je voulais raconter l’histoire d’une façon impressionniste et poétique, plutôt que de m’appuyer sur la fiction traditionnelle. Je voulais aussi m’imposer une distance. J’ai donc créé un personnage incarné par une femme qui ne me ressemble pas du tout." Helen Doyle rit aux éclats, ce qu’elle fera souvent durant notre entretien.
Cette femme, c’est la danseuse Lucie Boissinot, qui a participé activement à cette création pour laquelle la réalisatrice s’est accordé "la liberté d’essayer des trucs et de se tromper… mais pas trop souvent, parce que je n’avais pas beaucoup de sous".
Le film trouve son âme dans ce métissage entre les différentes formes d’expression artistique qui se répondent et se complètent avec brio. La vidéo, la photographie, la danse et même la chanson forment ici un ensemble d’une cohérence et d’une beauté qu’il faut souligner. Mais plus encore, malgré sa complexité et sa dimension intime, Soupirs d’âme sait se donner au spectateur. Pour la réalisatrice, ce "travail d’aller-retour entre soi et l’univers" est l’essence même de la création.
Lorsqu’on lui propose de théoriser sa démarche, Helen Doyle sourit, comme pour balayer du revers de la main toute analyse trop cérébrale. "Ma démarche est faite d’intuitions et s’élabore de façon organique. C’est une sorte de circonvolution autour du sujet qui permet aux choses de s’organiser petit à petit. Mais il faut d’abord passer par le chaos et ne pas en avoir peur."
Présenté en première partie de programme, le court métrage En attendant la pluie de Catherine Veaux-Logeat a été tourné en France pendant la grande canicule de l’été 2003. Le film propose un portrait tout simple et tout en douceur d’Hélène, une sympathique octogénaire qui évoque avec humour ses souvenirs, les raisons pour lesquelles elle aime la campagne par-dessus tout et comment elle combat "cette chaleur qui fait mourir."
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