Découvertes allemandes : Parfums funestes
Cinéma

Découvertes allemandes : Parfums funestes

Les Découvertes allemandes se terminent le 27 mai avec deux œuvres de jeunes cinéastes qui flirtent avec la mort. Entrevue avec Tilman Zens, réalisateur de Don’t Look For Me.

Tueuse à gages sans peur et sans reproche, Anna (Lea Mornar) rêve de quitter son travail. Alors que son patron (Udo Schenk) lui propose un dernier contrat, Anna fait la connaissance du solitaire Lino (Stipe Erceg, prix de la meilleure interprétation au Festival de Munich en 2004) dont elle s’éprend. Non par sa forme mais par son récit, Don’t Look For Me (Such Mich Nicht) n’est pas sans rappeler Nikita de Luc Besson. Mais au-delà des meurtres commis par la belle dame et de sa mise en scène stylisée, ce film étudiant de Tilman Zens, qui a mérité le prix Kodak de Filmakademie de Baden-Württemberg, pose un regard clinique sur la solitude.

Rencontré lors de son passage au FFM, le cinéaste à peine trentenaire ajoute: "Mon film traite également de l’incommunicabilité des êtres; dans les histoires secondaires, on retrouve les thèmes de l’amour et de la mort, des thèmes auxquels tous peuvent s’identifier. Pour moi, un tueur à gages porte en lui une contradiction intéressante; pour vivre, il doit donner la mort. Le fait que ce personnage soit une femme rend l’analogie du combat de la vie encore plus forte. Avant de tourner mon film, je n’y avais pas pensé, mais selon un essai intitulé Male Fantasies, pour un homme, c’est un véritable cauchemar que de voir une femme armée, car le fusil est un symbole phallique. Anna est donc une femme dangereuse, mais elle n’en est pas moins sensuelle et séduisante: une femme fatale, quoi!"

Cette femme fatale, incarnée avec aplomb par Mornar, Zens se plaît à nous la livrer découpée en morceaux, cadrant chaque partie de son corps et de son visage de très près, jusqu’à l’abstraction. Voyeur, le jeune réalisateur? "J’aime déconstruire mon personnage, d’avouer Zens. Dans un premier temps, on la voit se faire une beauté; la deuxième fois, elle nettoie son fusil et ses outils rappellent ses pinceaux à maquillage. J’aime bien la scène d’ouverture, car elle démontre la nature d’Anna, soit un mélange de sensualité et de violence. Après avoir appliqué avec soin son maquillage, on la voit abattre de sang-froid sa victime. J’imagine que quelques femmes pourraient voir dans cette démonstration de beauté féminine quelques éléments masochistes; elle doit se faire belle pour les hommes, se livrant à eux comme un objet, une victime ou une prostituée, avant de devenir leur bourreau. Cette dualité-là me plaît."

En quête d’amour dans un univers dur et froid, Anna se livre à ses amants de la même façon qu’elle tue, d’où un érotisme violent qui émane du film: "Je me suis amusé à faire de la porno hard sans rien montrer, rigole l’ancien élève de Wolfgang Becker. Si j’avais cadré les acteurs autrement, ç’aurait vraiment été du XXX. Mais on ne voit rien, sinon la mécanique des corps qui copulent. C’était mon but de montrer la mécanique de l’acte sexuel où il n’y a pas d’amour, que l’instinct animal." Un talent à surveiller… de très près.

Enfin, pour clore sur une note nostalgique et sulfureuse, les Découvertes allemandes présenteront Parfum d’absinthe (Was nützt die Liebe in Gedanken) d’Achim von Borries (England!), basé sur un fait divers ayant secoué l’Allemagne dans les années 20. Jeunes, beaux et brillants, Paul (Daniel Brühl de Goodbye Lenin!) et Günther (August Diehl d’Au loin les lumières) ont tout pour être heureux, sauf l’amour. À la suite d’un week-end qui aura été le théâtre de jalousies et de trahisons, les deux épicuriens voudront mettre à exécution leur pacte de suicide. Plus poseur que profond, ce drame de mœurs, qui met l’accent sur la photogénie de ses jeunes acteurs, bénéficie d’une mise en scène élégante et d’une atmosphère sensuelle. (26 et 27 mai).

Les jeudis à 20 h et les vendredis à 18 h 30, jusqu’au 27 mai, à la salle Norman-McLaren du Goethe Institut.