58e Festival de Cannes : Les choix d'Emir
Cinéma

58e Festival de Cannes : Les choix d’Emir

Le 58e Festival de Cannes s’est terminé le dimanche 22 mai. Moins politique que l’an dernier, le palmarès 2005 comporte des évidences et quelques curiosités. Comme quoi, tout est affaire de goût.

Les quelque 80 000 Cannois, envahis par plus 160 000 festivaliers, producteurs, journalistes, artistes et artisans du 7e art au cours des 15 derniers jours, retrouvent peu à peu la tranquillité dans leur petite ville des Alpes-Maritimes. Rangeant leurs escabeaux, les plus fanas d’entre eux rêvent déjà des grandes stars qui fouleront le tapis rouge l’an prochain, tandis que les cinéphiles attendent patiemment ce que leur réserveront Almodóvar, Lynch, Moretti, Kaurismaki, Kitano et les autres. S’il le termine à temps, Wong Kar-wai viendra peut-être présenter The Lady from Shanghai mettant en vedette Nicole Kidman, lui qui avait présenté à la toute dernière minute son 2046. Devant l’insuccès des Canadiens Atom Egoyan (Where the Truth Lies) et David Cronenberg (A History of Violence), on souhaite vivement que des cinéastes québécois puissent avoir la chance de faire valoir à leur tour leur talent au public cannois.

Au milieu des brouhahas créés par la folie Star Wars et les rumeurs de Palme d’Or autour de Last Days de Gus van Sant – reparti bredouille à l’instar des von Trier (Manderlay) et Wenders (Don’t Come Knockin) – et de Caché de Michael Haneke, ce sont les discrets Luc et Jean-Pierre Dardenne qui ont raflé l’honneur le plus convoité pour L’Enfant, drame d’un naturalisme remarquable traitant de la paternité, thème de prédilection de la cuvée 2005, devenant du coup les quatrièmes "doubles-palmés" après Coppola, August et Kusturica, qui présidait le jury. Une Palme d’Or fort méritée que les frangins belges ont dédiée Florence Aubenas, journaliste de Libération, et à son guide, Hussein Hanoun al-Saadi, enlevés en Irak le 5 janvier dernier.

Grand Prix du jury: Broken Flowers de Jim Jarmusch.

Autre prix bien mérité que celui de la mise en scène pour Haneke, qui signe un thriller psychologique d’une froide élégance avec Caché, sans doute l’un des films qui a fait le plus jaser de lui parmi les critiques; le cinéaste autrichien a aussi récolté le Prix de la Fédération internationale de la presse cinématographique et celui du jury œcuménique. Pour sa part, Jim Jarmusch est reparti avec rien de moins que le Grand Prix pour Broken Flowers, dans lequel un célibataire endurci (Bill Murray) découvre qu’il a un fils de 19 ans. Le Prix du jury a été remis à Shanghai Dreams de Wang Xiaoshuai, qui nous avait donné le charmant Beijing Bicycle.

Présidé par Abbas Kiarostami, le jury de la Caméra d’Or a choisi ex æquo Me and You and Everyone We Know de Miranda July et La Terre abandonnée de Vimukthi Jayasundara; le premier long métrage de July a également remporté le Grand Prix de la Semaine de la critique. Dans la catégorie Un certain regard, Alexander Payne et son jury ont consacré La Mort de monsieur Lazarus de Cristi Puiu (Grand Prix), Lève-toi et marche de Pierre Yameogo (Prix de l’espoir) et Le Filmeur d’Alain Cavalier (Premier Prix).

DES GOÛTS ET DES COULEURS

Palme d’Or: L’Enfant de Luc et Jean-Pierre Dardenne.

Comme l’attestaient les nombreux sièges libres, les courts métrages en compétition ne font pas encore courir les foules… Dommage, car les cinéphiles auront manqué Wayfarers d’Igor Strembitskyy, lequel a remporté la Palme d’Or du court métrage et est devenu le premier récipiendaire du Prix Norman-McLaren, remis par le Festival et l’Office national du film. Fait à remarquer, le court métrage de Bertrand Bonello avec Asia Argento, Cindy, the Doll is Mine, a attiré bien des spectateurs, dont plusieurs sont repartis ensuite afin de fuir le long métrage qu’il précédait, Ce n’est pas tout à fait la vie dont j’avais rêvé, film d’un maniérisme insupportable de Michel Piccoli.

Enfin, trois choix dictés par la political correctness? Tommy Lee Jones n’a jamais été un grand acteur, tout au plus un mec avec une sale gueule qu’on aime détester, d’où notre surprise de le voir remporter le Prix d’interprétation masculine pour son rôle de cow-boy solitaire peu expressif dans son premier long métrage, bien réalisé mais sans plus, The Three Burials of Mesquiades Estrada, également Prix du meilleur scénario (Guillermo Arriaga). Dans le genre, on aurait préféré Sam Sheppard dans Don’t Come Knockin de Wim Wenders, bien que le film soit une pâle copie de Paris Texas… Dernière surprise, le Prix d’interprétation féminine remis à Hanna Laslo pour le décevant Free Zone d’Amos Gitai; la débonnaire actrice juive, un peu trop caricaturale à notre goût, y était toutefois plus utile que Natalie Portman, qui semblait perdue dans cette galère. Au fait, qu’est-il arrivé au réalisateur de Kippur? On le saura peut-être lors du prochain Festival de Cannes.