La Marche de l’empereur : Le voyage fantastique
Cinéma

La Marche de l’empereur : Le voyage fantastique

La Marche de l’empereur retrace avec grâce le périple reproductif du plus singulier résidant des glaces de l’Antarctique.

Chaque année, à l’approche de l’hiver austral, le manchot empereur entreprend un grand voyage. Quittant les flots glacés baignant le continent antarctique, la créature pose patte sur la glace où, avec ses semblables venus par légions, elle formera un imposant cortège. Kilomètre sur kilomètre, inlassablement, l’animal chemine – en station debout! – vers un coin de banquise stable, espace propice à l’accouplement et à la reproduction. Là, les nouveaux couples manchots se préparent à affronter froids mordants, prédateurs voraces et périodes de jeûne prolongées en attendant que leur progéniture sorte de sa coquille. Variation originale et allumée sur le thème du conte animalier, La Marche de l’empereur a ceci de particulier qu’il adopte le point du vue de l’oiseau. Tournant à hauteur de manchot, le réalisateur Luc Jacquet et ses équipiers se font témoins d’une formidable leçon de "ténacité à exister". On sent, dans la démarche du cinéaste, un grand respect pour la bête. Respect mutuel, dirait-on, car le manchot, qui n’a jamais connu l’homme comme prédateur, se laisse approcher et filmer tout naturellement. En entretien téléphonique, Luc Jacquet prend le temps de nous livrer quelques secrets de tournage. Nous l’avons joint à Berlin, où il s’était rendu pour promouvoir son film.

Qu’est-ce qui vous a posé le plus de problèmes, lors de ce tournage en milieu relativement hostile?

"Le vent. Vous avez régulièrement des vents de 100 à 150 km/h qui soufflent sur la côte antarctique. Ça vous empêche de faire les images que vous avez envie de tourner. Ça fait bouger la caméra, ça augmente l’effet de froid, ça crée de la poudrerie. D’ailleurs, un jour de tournage, nos deux opérateurs se sont perdus dans la poudreuse. On a réussi à les sauver in extremis grâce au GPS."

Comment en êtes-vous venu à intégrer Émilie Simon au projet, elle qui signe une bande originale différente des musiques habituellement associées à ce genre?

"J’ai rencontré Émilie alors qu’elle était dans les Alpes à enregistrer des sons de neige et de glace, pour son deuxième album. J’avais envie d’une musique qui soit un peu décalée. La musique symphonique, c’est très bien, sauf que j’ai l’impression qu’il faut faire des choses avec des gens qui ont une autre sensibilité. Je voulais une musique qui vienne de nulle part. Il n’y a eu aucune colonisation en Antarctique et donc, je ne voulais pas de connotation culturelle trop forte."

Comment vous est venue l’idée de prêter une voix intérieure aux manchots? Vous n’aviez pas envie d’un documentaire classique façon National Geographic?

"J’ai depuis très longtemps l’envie de raconter des histoires. Et c’est vrai que le parti pris de décalage, aussi préconisé dans la musique, se manifeste dans le commentaire. Je suis un peu las du mode National Geographic que nous impose la télévision. Pour la première fois, j’avais le droit d’essayer des choses différentes; alors, je me suis vraiment fait plaisir. J’ai fait ça avec les tripes, à l’instinct."

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