La Niña Santa : Vice ou vertu?
La Niña Santa propose une étrange et sinueuse réflexion sur la notion de péché. Troublant.
En quittant la salle, on ne savait trop qu’en penser. Vingt-quatre heures plus tard, on ne s’était toujours pas fait d’idée. Augure favorable, sans doute. Trop souvent, les films se voient et se digèrent avant même d’avoir été mastiqués. On ne se plaindra pas d’être tombé sur une pièce plus coriace.
Deuxième long métrage de Lucrecia Martel, La Niña Santa est une œuvre difficile à déverrouiller. Les éclairés qui ont pu voir La Ciénaga, premier labeur de la réalisatrice argentine, bénéficient d’un point d’entrée favorable. Aux autres, venus comme nous en éclaireurs, la présence au générique de Pedro Almodóvar et de son frangin Agustín (en qualité de producteurs exécutifs) offrira un repère valable. On est tenté de dire que le cinéaste espagnol, en bonne fée, s’est penché sur le berceau de Martel, chez qui il a senti une filiation certaine. Bon sang ne saurait décevoir.
Adolescente à la fois pieuse et charnelle, Amalia (Maria Alché) se demande si elle est à la hauteur des desseins du Créateur. Entre deux cours de catéchisme, elle passe son temps à babiller avec sa copine Josefina (Julieta Zylberberg) ou à traîner dans ce vieil hôtel thermal défraîchi, propriété de sa famille, qui lui sert de domicile.
Un jour qu’elle observe, au milieu d’une foule, la performance d’un joueur de theremin, Amalia sent un membre viril se presser contre son popotin. En se retournant, elle aperçoit le visage du coupable. En rentrant chez elle, la jeune fille reconnaît le Docteur Jano (Carlos Belloso), venu assister avec des collègues à un congrès organisé sur les lieux mêmes de l’hôtel. Au lieu de le dénoncer, Amalia entreprend alors de "sauver" le quadragénaire. C’est le Très-Haut qui, croit-elle, lui a confié cette mission.
Réflexion volontairement ambiguë sur la nature du péché, La Niña Santa redessine en pointillé la frontière séparant le Bien et le Mal. Au rebut les certitudes. Les gestes les mieux intentionnés entraînent parfois des conséquences fâcheuses (en aidant Jano, Amelia contribue plutôt à le perdre) et, par temps trouble, le recours aux balises offertes par la religion se révèle d’un secours approximatif (de toute façon, Dieu est trop occupé pour tout voir).
Voilà pour la trame principale. Enfin, cette lecture en vaudra bien d’autres. Ramassant ainsi le récit par respect pour certaines contraintes de longueur, il est impossible de mettre en lumière le contenu marginal du film, c’est-à-dire ces nombreux épiphénomènes qui, s’ils ne la propulsent pas, donnent à l’histoire son cachet singulier.
La souplesse dans le jeu des comédiens, l’originalité du traitement et l’étrangeté du décor servant de théâtre aux opérations achèvent de faire de cette réalisation une œuvre d’exception, dont le charme réside principalement dans un flou artistique dense.
Même après en avoir rédigé la critique, on ne sait toujours pas exactement que penser de La Niña Santa. Sinon que, par sa capacité à "squatter" notre écran mental longtemps après la fin de la projection, l’œuvre révèle un impact durable. Ça, au moins, c’est clair.
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