Palindromes : C'est grave, docteur?
Cinéma

Palindromes : C’est grave, docteur?

Avec Palindromes, Todd Solondz continue d’examiner les bibittes qui affligent ses compatriotes. Le diagnostic est toujours aussi sombre.

Créateur intransigeant, Todd Solondz n’est pas du genre à "photoshopper" ses observations. Ce qui est cru n’est pas cuit, et il faut le montrer ainsi. Ce parti pris d’authenticité avait jusqu’ici bien servi le réalisateur originaire du New Jersey. Ses deux premiers longs métrages, Wellcome to the Dollhouse et Happiness, participaient d’une démarche sociologique hard. Remarquablement lucides, ces propositions initiales brillaient également par leur virulence. Qualifié de misanthrope en phase terminale, Solondz rétorquera qu’il ne fait que rendre compte du réel. Ce n’est pas toujours beau, on vous le concède, mais c’est comme ça.

Avec Palindromes, son quatrième long métrage, le cinéaste pose de nouveau son scalpel sur les p’tites bêtes noires qui affligent la société états-unienne. Si l’exercice est toujours aussi lancinant, il s’assortit désormais d’un bluff narratif qui contribue malheureusement à amortir les coups portés.

Pour le précédent Storytelling, son œuvre la moins concluante, Solondz proposait déjà une structure discursive "alternative" – fracturé au milieu, le récit comportait deux histoires distinctes censées se lire tel un tout cohérent. Cette fois-ci, le pari s’avère autrement audacieux: une demi-douzaine de comédiennes, petites, grosses, blanches ou blacks, campent tour à tour le personnage principal d’Aviva, fillette de 13 ans déterminée à devenir mère biologique. À défaut d’être concluante, disons que la pirouette stylistique de Solondz a le mérite d’être culottée.

Pour réaliser son rêve, Aviva offre son corps à Judah, qui se fait un plaisir de contribuer à si agréable cause. En apprenant la "bonne" nouvelle, les parents d’Aviva "pètent un câble" et décident d’envoyer fifille chez le docteur Morgentaler du coin. Désabusée, Aviva fugue. Sur son chemin, elle rencontre un camionneur qui lui offre le transport et un peu plus. Quand le gars l’abandonne sur l’accotement, Aviva poursuit sa route en solitaire. Elle finit par aboutir à la maison des Sunshine, une famille d’accueil pour "freakoïdes" en tout genre. Ce foyer très "Si tu aimes le Seigneur, frappe des mains" comporte cependant sa part d’ombre, on le découvrira bientôt…

Patinant autour de questions très glissantes – droit à la vie, intolérance morale, hypocrisie religieuse… -, Todd Solondz s’efforce de prêter le crachoir à diverses voix en se gardant de prendre position. Son opinion finit par transpirer, en fin de parcours, à travers une longue tirade déterministe livrée par un jeune homme soupçonné de pédophilie ("Peu importe ce que l’on fait, expose-t-il, nos actions sont celles de robots préprogrammés"). En entretien, Solondz désavoue généralement cette opinion lourde de conséquences pour plutôt soutenir qu’il n’a voulu que filmer une histoire d’amour.

Par les thèmes qu’il aborde, l’univers cinématographique de Todd Solondz remplit une fonction qu’on dirait thérapeutique – toute question aussi crade soit-elle, est nécessaire à aborder. Partant, on devra accepter que tel cinéma ne saurait être particulièrement agréable au coup d’œil et que ses protagonistes ne soient pas des plus sympathiques. Tout bien pesé, peut-être notre homme n’a-t-il pas choisi le bon métier. Libéré des contraintes de l’image, Solondz ferait probablement un redoutable essayiste ou un excellent romancier.

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