Bonzaïon : « A » pour l’effort
Produit avec une poignée de dollars, Bonzaïon est un délire entre chums qui ont voulu se faire leur cinéma. C’est sans prétention et parfois drôle, mais aussi sans grande ampleur. Pourtant, ça tient la route.
Bonzaïon
est l’œuvre de deux acteurs, Danny Gilmore et Clermont Jolicoeur, qui ont voulu assouvir leur envie de faire un long-métrage tout de suite, dans l’urgence, sans passer par les méandres du financement officiel (et donc devoir attendre). Le résultat est un pseudo-film noir débridé, à la fois réaliste et onirique, plutôt inégal, mais qui a sans doute assez de gueule pour se gagner un certain nombre d’aficionados.
Le film raconte l’histoire abracadabrante d’Olivier qui, de retour d’Hawaï, doit trouver les 60 000 $ qui serviront à libérer sa copine retenue à Montréal par un sorcier africain. Il entraîne dans l’aventure son ami Claude. Les deux hommes, aidés par trois copines, réussissent à mettre la main sur une importante quantité de plants de marijuana dérobés dans un champ de Baie-Saint-Paul. Avec ça, ils amasseront facilement la somme pour la rançon. Mais le propriétaire, qui est le père d’Olivier (mais ça, personne ne le sait, du moins pas encore), ne se laissera pas déjouer aussi facilement. S’amorce alors une course poursuite effrénée et cocasse durant laquelle la drogue passera d’une main à l’autre et où se croiseront des personnages bigarrés.
Le sujet de Bonzaïon, on le voit, est riche et se prête plutôt bien au cinéma. Entre humour burlesque, situations surréalistes et événements carrément absurdes, le potentiel de ce récit est énorme.
Sans trop se prendre au sérieux, Gilmore et Jolicoeur ont laissé libre cours à leur fantasme de cinéma. Le résultat est amusant, plutôt énergique et sait jouer la carte de l’autodérision. Pourtant, dans l’ensemble, il se révèle assez décevant. Car, une fois que les auteurs ont démontré qu’ils sont (plus ou moins) capables de parodier Tarantino, ils n’ont par la suite plus grand-chose à dire et l’intérêt suscité par les premières scènes s’étiole donc rapidement.
Ce qui cloche avant tout ici, c’est que les réalisateurs n’ont pas su illustrer le récit de façon satisfaisante. La mise en scène, plutôt bancale, se contente de filmer les scènes platement et crûment (et le tournage en numérique n’aide pas). Ce qui se voulait un délire cinématographique, finalement, ne provoque rien de plus… qu’un pastiche de plus.
Mais le film est loin d’être un naufrage. Ce qui le sauve, c’est le rythme soutenu du montage de Tristan Dubois et, surtout, le jeu des acteurs. Quoique parfois inégale, la distribution, qui compte quelques noms d’envergure, offre des moments pétillants. Gilmore et Jolicoeur, en tant qu’interprètes, ont une belle présence à l’écran, tandis que Michel Yves est désopilant en petit truand marseillais. On ne saurait cependant en dire autant de Jean Leloup, peu à l’aise dans cette aventure.
Il serait inopportun de faire tout un plat de ce film et de lui accorder une importance démesurée. D’une part, parce qu’il ne le mérite pas vraiment et aussi, parce que ce ne serait pas rendre service aux cinéastes dont l’intention, ici, n’était que de se payer un petit délire cinématographique bien à eux. Mais, surtout, ce serait manquer de respect pour tous ces auteurs du cinéma québécois qui utilisent le cinéma comme moyen d’expression authentique et personnel.
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