Crustacés et Coquillages : Liberté, égalité, gaieté
Crustacés et Coquillages, d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, met en scène les tribulations sexuelles d’une petite famille en vacances. Entrevue avec les réalisateurs.
Par un bel été, Marc (Gilbert Melki, à croquer) décide d’emmener sa famille passer les vacances dans une maison au bord de la Méditerranée, demeure qu’il connaît bien puisqu’il y a passé son adolescence. L’aînée partie avec son petit ami, Marc et sa femme Béatrix (Valeria Bruni-Tedeschi, resplendissante) se retrouvent en compagnie du cadet Charly et de son meilleur ami, qui est amoureux de lui. Bien qu’il soit hétéro, Charly se plaît à faire croire à ses parents qu’il est gai. Quant à Béatrix, elle reçoit la visite de son amant (Jacques Bonnaffé, amusant), qui la supplie de partir avec lui. Le tout se corse davantage lorsque entre en scène un ténébreux plombier (Jean-Marc Barr, sexy à souhait).
Autour de la maison délabrée, le mistral souffle sur la mer glacée et les rochers escarpés alors que les personnages se remettent en question dans ce qui ressemble à un Feydeau faisant de l’œil à Demy: "La maison délabrée, c’était raccordé au fait que le personnage n’y a pas mis les pieds depuis 20 ans, raconte Jacques Martineau. Il y retrouve donc des souvenirs en ruines et des choses à reconstruire. Une journaliste suisse nous a fait remarquer que dans nos films, il y avait toujours des questions d’équilibre. Évidemment, on y a pensé sans pour autant se dire qu’on allait retravailler nécessairement le déséquilibre. Pour des raisons économiques, on est allés tourner dans le Sud; sur place, on s’est rendu compte que c’était beaucoup mieux en raison du climat et des paysages très accidentés. On a donc pu travailler la verticalité et mettre les corps en relief. Valeria a même proposé de porter des talons très hauts en affirmant que les acteurs créaient toujours mieux dans l’inconfort."
S’inspirant des films de plage français et des chansons yé-yé de Sheila et de Brigitte Bardot, notamment La Madrague, le tandem Ducastel-Martineau signe un film léger et festif où plane cependant une certaine gravité, et ce, même si Olivier Ducastel a abandonné assez tôt l’idée de faire une version gaie de La Femme d’à côté de Truffaut: "Je voulais faire un film tragique, se souvient Ducastel, mais je crois que ça n’intéressait pas Jacques. Finalement, je crois qu’il était préférable de ne pas ramener l’homosexualité à quelque chose de tragique, ce que l’on tente en général d’éviter parce que ça a déjà été trop fait."
Même si le sida ne se retrouve pas au cœur de l’histoire, comme c’était le cas pour Jeanne et le Garçon formidable et Drôle de Félix, on aborde le sujet afin de tenir les consciences éveillées, car malgré la trithérapie, la mort plane toujours. Mais au-delà du côté sombre de l’homosexualité, Ducastel et Martineau traitent de l’incommunicabilité des êtres, toutes orientations confondues, qui passent à côté de leur vie, en empruntant à Labiche – c’est fou ce que les portes claquent: "Ces dernières années, en France, explique Ducastel, plusieurs metteurs en scène ont monté des pièces peu connues de Labiche, on s’est alors rendu compte que ce n’était pas du tout le théâtre bourgeois et poussiéreux qu’on imaginait, mais en fait un théâtre extrêmement irrévérencieux et moderne. D’où l’idée de penser la comédie comme une mécanique, un peu comme le faisaient les Marx Brothers. On invente des situations pas possibles et on n’a pas peur de ça. C’est un peu ça, l’idée de la douche."
Parlons-en de cette douche! Rarement a-t-on vu des personnages aussi soucieux de leur hygiène à l’écran: "Les ados d’aujourd’hui sont très propres et parfument beaucoup, avance Martineau. Dans notre temps, la fin des années 70, on trouvait que ça faisait bourgeois de se laver. Donc, dans le film, on a essayé de se dire que ce n’était pas qu’un souci hygiénique, mais que ça cachait sûrement des choses plus intéressantes…"
Film pétillant et sans prétention, Crustacés et Coquillages respire la bonne humeur grâce à l’interprétation dégagée des comédiens, aux répliques savoureuses et à ses numéros musicaux échevelés, à des lieues des numéros sans faille des musicals hollywoodiens, qui donnent envie d’entrer dans la danse: "Au moment où l’on se demandait si ce serait pas too much de finir à la manière d’une comédie musicale, se rappelle Ducastel, on a vu Zatoïchi, dont la finale hollywoodienne vient désamorcer toute la violence du film. Ça m’a mis dans un tel état d’euphorie que j’ai dit à Jacques: on le fait!"
Voir calendrier Cinéma