Présence autochtone : Le territoire en question
Cette semaine à Présence autochtone, la question du territoire est une obsession dans les films proposés: terre que l’on détruit, terre que l’on redécouvre, terre que l’on imagine…
Alors que s’amorce le dernier droit de Présence autochtone, il est fascinant de constater à quel point la question du territoire est intimement liée à la survie d’une identité. D’où ce profond malaise ressenti par les autochtones lorsque les blancs viennent s’installer sur ce territoire.
Dans La Forêt de mon grand-père, court métrage du collectif Wapikoni Mobile, deux jeunes, Sonia et Ronny Chachai, entreprennent d’arrêter les travaux d’une importante compagnie forestière qui est en train de détruire un territoire portant encore le nom de leur grand-père. Ces jeunes n’ont aucun pouvoir, mais leur caméra dérange et des responsables se défilent. Ici, la déforestation n’est pas un problème strictement écologique, mais plutôt un enjeu d’abord culturel.
Il est aussi question du territoire ancestral dans le documentaire Kunuk Family Reunion. En juin 2003, le réalisateur Zacharias Kunuk (Atanarjuat) a suivi sa famille dans un pèlerinage sur le site de la maison ancestrale, aujourd’hui disparue. Il est émouvant de voir les plus vieux revenir sur les pas de leur enfance et retrouver les lieux de sépulture des leurs. D’une grande sobriété, ce film est un hommage à la famille et une ode à l’impressionnant territoire du Nunavut.
Dans J’ai marché autrefois sur cette terre, autre film du Wapikoni Mobile, la réalisatrice Gloria Coocoo suit Pierre Boivin, un jeune autochtone cloué sur un fauteuil roulant à la suite d’un accident. Dans ce portrait, le jeune homme parle de l’époque où il allait tendre des collets ou évoque simplement "ces beaux moments quand je marchais". Lorsqu’il prononce ces mots, l’homme regarde la forêt. Dans ce contexte, impossible de ne pas voir ce film avec un regard métaphorique. Comment ne pas penser à l’Amérindien immobilisé devant sa forêt à laquelle il a de moins en moins accès? On pense ici à Trespass, dont je parlais la semaine dernière.
À défaut d’exister, le territoire devient imaginaire. Dans le court métrage Two Cars One Night de Taika Waititi (Nouvelle-Zélande), deux voitures sont garées l’une à côté de l’autre dans le stationnement d’un bar. Dans l’une de ces voitures, il y a une jeune fille d’origine aborigène d’une douzaine d’années. Dans l’autre, deux frères plus jeunes, eux aussi d’origine autochtone. Tous ces enfants sont seuls, attendant que leurs parents respectifs sortent du bar. Petit à petit, les jeunes prennent contact, se parlent de tout et de rien. Puis les parents de la jeune fille sortent du bar, montent dans la voiture et partent sans dire un mot. En peu de temps, la réalisatrice a tout dit sur l’enfance autochtone (la solitude, l’absence de dialogue entre les parents et leurs enfants, l’alcool) sans pour autant mentionner quoi que ce soit de façon explicite.
C’est aussi dans l’alcool, la drogue, le sexe et la violence que se réfugient les jeunes autochtones de Strycker, percutant long métrage de Noam Gonick sur une guerre de gangs entre natives et Asiatiques dans un quartier de Winnipeg. Proche de Mean Streets et de Taxi Driver, le film illustre habilement la perte des repères (notamment territoriaux) des jeunes autochtones.
Malgré des films plus sombres comme celui-ci, ce festival aura permis de concrétiser le net désir d’affirmation des communautés autochtones. Ce sentiment se voit beaucoup chez les jeunes, qui sont prêts à retrouver leur territoire… réel et imaginaire. Jusqu’au 22 juin.
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