Rock School : L'école des fans
Cinéma

Rock School : L’école des fans

Rock School met en lumière l’approche pédagogique peu orthodoxe d’un "musicien raté" devenu prof extraordinaire. Entretien avec la bête…

C’est lui qui le dit: Paul Green, rockstar frustrée, a trouvé sa vocation dans l’enseignement. Il y a six ans, le mec ouvrait à Philadelphie son École du rock. Appliquant des méthodes à faire frémir le ministère de l’Éducation, le mec initie les ti-culs de 9 à 17 ans aux subtilités du rock moderne. Au programme: Billy Idol, Black Sabbath, Frank Zappa… S’il n’hésite pas à engueuler ses élèves et à leur claquer des portes au nez, Green sait aussi – le film en atteste efficacement – faire preuve de beaucoup de tendresse et de dévouement. Par un curieux concours de circonstances, voilà que le mec a atteint un degré de célébrité digne d’une vedette pop – de deuxième zone, disons. Adaptée il y a deux ans par Richard Linklater (The School of Rock), son histoire fait aujourd’hui l’objet d’un documentaire drôle et incisif. Tourné par le réalisateur et musicien Don Argott, Rock School offre un portrait complexe mais attachant d’un personnage deux pointures plus grand que nature et de sa "progéniture". Nous avons joint Paul Green à New York, alors qu’il était (probablement) en récréation.

Quoi de neuf à déclarer depuis la fin du tournage de Rock School?

"L’école a beaucoup changé. On compte maintenant neuf "succursales" un peu partout en Amérique. Il est même question d’étendre nos activités jusqu’au Canada, à Toronto et à Montréal. À part ça, quoi de neuf… les enfants ont grandi, CJ (n.d.l.r.: le petit prodige de la guitare) s’est fait pousser les cheveux… Bref, tout va extrêmement bien."

Vous êtes manifestement fou de rock. Parlez-nous des groupes rock qui ont (dé)formé votre jeunesse.

"J’ai grandi à une époque où les groupes heavy metal faisaient la loi. Quiet Riot, Def Leppard, Twisted Sister. Puis j’ai découvert Metallica. Ça a été fini (rires)!"

Dans le film, vous dites: "j’aurais voulu être rockstar en 1972, mais certainement pas aujourd’hui." Pourquoi?

"Parce qu’en 1972, on pouvait expérimenter. Prenez Jethro Tull, par exemple, dont l’album Thick As a Brick se compose d’une seule chanson faisant 45 minutes. On ne pourrait plus faire ce genre de truc aujourd’hui, jamais de la vie! Talent et qualité, de nos jours, sont étouffés par la business. Les choses qu’il faut faire pour devenir rockstar aujourd’hui…"

Avez-vous étudié la musique à l’école primaire?

"Pas vraiment. J’ai grandi à une autre époque. Dans le temps, c’était possible d’apprendre en montant un groupe dans le sous-sol de la maison familiale. À 15-16 ans, je jouais déjà dans un band. Si j’ai fondé l’École du rock, c’est en partie pour permettre aux jeunes d’aujourd’hui de tâter de la même démarche DIY ("faites-le vous-même") dont j’ai connu les vertus à leur âge."

Vous vous dites largement autodidacte. Mais y a-t-il certains profs qui ont eu une influence sur votre apprentissage?

"J’ai eu quelques bons profs ici et là, mais ceux dont j’ai le plus appris sont les musiciens avec qui j’ai joué à l’adolescence. J’avais 15 ans, ils en avaient trois ou quatre de plus. C’étaient de bons musiciens au contact desquels je me suis beaucoup développé. C’est d’ailleurs comme ça que plusieurs futures vedettes du rock ont débuté. Jimi Hendrix a fait partie du groupe d’accompagnement de Little Richard, Jimmy Page a commencé en jouant avec toutes sortes d’orchestres de blues."

Qu’est-ce qu’un bon prof, selon vous?

"Quelqu’un qui prend son travail à cœur, qui possède une bonne oreille – au sens propre comme au sens figuré. De toute évidence, je ne suis pas un modèle de gentillesse, mais je fais quand même preuve de gentillesse lorsque je me soucie de la réussite de mes élèves. Je suis exigeant avec eux, mais au fond, ils m’en sont reconnaissants."

Et qu’est-ce qu’un bon élève?

"Quelqu’un qui accomplit le travail qu’on lui demande d’accomplir et qui, en même temps, sait faire preuve d’indépendance. Quelqu’un qui me tient tête, d’une certaine façon. J’aime à penser que si j’aide les élèves à s’améliorer, ceux-ci m’aident en retour. À leur contact, je deviens quelqu’un de meilleur."

Caressez-vous quelque ambition musicale pour votre propre fiston?

"Je considère que mes élèves et mes enfants appartiennent à deux sphères mutuellement exclusives. Cela dit, si mon garçon souhaite devenir musicien, je l’aiderai par tous les moyens possibles. S’il préfère le baseball, je l’appuierai tout autant. Mais je crois qu’il aime la musique: il passe la journée assis devant la chaîne sono à se remuer le popotin. C’est un début…"