Batman Begins : Changement de garde
Batman Begins de Christopher Nolan redonne ses lettres de noblesse à une franchise qui battait sérieusement de l’aile. Percutant.
Avant la publication en 1987 des comic books Batman: The Dark Knight Returns et Batman: Year One de Frank Miller et David Mazzuchelli, le célèbre justicier masqué créé par Bob Kane en 1939 semblait destiné à vivre éternellement avec l’image kitsch imprimée par la vieille série télévisée des années 60. Mais le renouvellement très hardcore de Miller et Mazzuchelli a tout changé. Soudainement, Batman devenait un héros torturé, un peu psychopathe sur les bords, hanté par des dilemmes philosophiques complexes sur son rôle de justicier. Hollywood n’a pas tardé à vouloir s’approprier cette réinvention de Batman. On connaît la suite…
Si les deux premiers Batman de Tim Burton, au demeurant excellents, portaient bien l’empreinte de leur auteur, c’est-à-dire une sensibilité gothique imprégnée de féerie, de poésie lugubre et d’humour satirique, les deux autres, réalisés par le triste tâcheron Joel Schumacher, ont négocié un retour catastrophique vers le kitsch absolu. Résultat: Batman and Robin a tué la franchise en 1997.
Huit ans plus tard, voici enfin la série solidement remise en selle grâce au talent du scénariste David S. Goyer (la trilogie Blade) et du réalisateur de Memento, Christopher Nolan. Cette fois, ça y est, pas de doute, nous voilà en plein territoire "Year One", même si le scénario n’est pas officiellement basé sur la B.D. du tandem Miller/Mazzuchelli. Malgré un certain degré de stylisation dans le design du film, Batman Begins coupe complètement les ponts avec ses prédécesseurs pour adopter une approche pure et dure, presque cartésienne. De toute évidence, Goyer et Nolan se sont dit: "On efface tout et on recommence."
Toute la première moitié du film, construite de façon non linéaire (Nolan oblige), décrit la genèse du personnage de Bruce Wayne/Batman (Christian Bale, absolument formidable), de son enfance marquée par sa peur viscérale des chauves-souris et le meurtre tragique de ses parents jusqu’à l’âge adulte où son désir intense de vengeance et sa soif de justice provoquent en lui de terribles déchirements moraux. Après un entraînement à des techniques d’arts martiaux presque mystiques dans un temple bhoutanais, Wayne revient dans sa ville natale de Gotham, empoisonnée par le crime. On assiste alors à chacune des étapes de la naissance du personnage et de l’aura de Batman. Le processus est méticuleux, nourri d’explications rationnelles sur chaque détail, à commencer par le costume conçu pour créer la peur chez les criminels.
À des lieues de la fantaisie macabre des films de Burton, l’œuvre de Nolan joue la carte d’une forme de néo-noir "réaliste" où l’humour n’a pratiquement aucun droit de cité. Le film est imprégné d’une atmosphère nocturne et glauque qui permet de mettre en relief le caractère décrépit et corrompu de Gotham, une métropole en proie vers la fin du film à un véritable climat de démence collective.
Batman Begins n’est pas parfait; les scènes d’action sont souvent confuses et le tartinage de musique sur toutes les scènes devient excessif. Mais dans son genre, il s’agit d’une réussite indéniable, dont on attend déjà la suite avec impatience.
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