Dogora: Ouvrons les yeux : Je bande sonore
Pour Dogora: Ouvrons les yeux, Patrice Leconte délaisse un moment la fiction et se fait plaisir en accompagnant ses images tournées au Cambodge d’une musique qu’il aime bien.
Animé par l’intérêt pour une musique du compositeur Étienne Perruchon et bouleversé par une récente visite au Cambodge qui lui a fait voir non seulement la misère en plan rapproché mais, surtout, l’urgence de survivre à l’instant présent, Patrice Leconte convient avec lui-même que le moment est venu pour lui de délaisser la fiction pour filmer la "vraie vie". À la fois diaporama sur fond musical et musique illustrée, Dogora: Ouvrons les yeux est certes un morceau de bravoure qui démontre une fois de plus ce que Powaqqatsi de Godfrey Reggio (1988) avait su évoquer de façon si admirable: soit que l’image, le montage et la musique suffisent à énoncer un discours que la parole ne ferait probablement qu’engourdir.
Mais là où ce dernier film réussissait, Dogora échoue. Car il ne suffit pas que de belles images et d’une belle musique pour faire d’un diaporama un récit touchant, il faut également que le récit propose un point de vue, qu’il ait une personnalité, qu’il ait, au minimum, quelque chose à dire pour qu’à notre tour, au sortir de la salle, nous ayons quelque chose à en dire. Sans cela, on tombe dans le film de vacances ou, pire, dans une caricature du genre.
Même si l’intention de Leconte est noble, il est à se demander si les images présentant une extrême pauvreté et la musique emphatique de Perruchon font bon ménage. Il est curieux, voire problématique, d’entendre cette musique aux accents solennels plaquée sur des images de centaines de (très) jeunes ouvrières, qu’on devine sous-payées, occupées à parachever des pantalons que les musiciens occidentaux, qu’on devine fort bien payés, portent peut-être au moment d’enregistrer cette même bande-son. Vertige moral s’il en est un
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