Terre des morts : Encore mordant, mais…
Cinéma

Terre des morts : Encore mordant, mais…

Avec Terre des morts, le maître incontesté du film de zombies, George A. Romero, revient à ses premières amours.

1968, on le sait, a été l’année de toutes les révolutions. Le cinéma fantastique n’a pas échappé à cette vague de fond, passant de l’ère gothique poussiéreuse des films de la Hammer et de Roger Corman à l’ère moderne du Rosemary’s Baby de Roman Polanski et du Night of the Living Dead de George A. Romero. Soudainement, l’horreur venait s’ancrer dans la réalité et renouvelait du même coup son potentiel de terreur.

Night of the Living Dead est à l’origine de cette catégorie du cinéma d’horreur qu’on appelle le film de zombies. Romero a lui-même contribué à l’évolution du genre en signant deux suites, Dawn of the Dead (1978) et Day of the Dead (1985). Cette trilogie, en plus de nous flanquer la frousse, a le mérite d’être porteuse d’un véritable sous-texte sociopolitique. Night est une métaphore de la psychose américaine face au bourbier du Vietnam; Dawn propose une satire féroce de la société de consommation; tandis que Day développe une critique sans appel du pouvoir militaire.

Avec Terre des morts (Land of the Dead, en version originale), Romero effectue un retour très attendu au genre qu’il a contribué à créer. Mais durant le long intermède entre Day et Land, bien d’autres cinéastes ont mis leur grain de sel dans la soupe à zombies, notamment Danny Boyle (28 Days Later) et Zack Snyder (le remake de Dawn of the Dead). Certains ont même brillamment détourné le genre au profit d’un humour noir dévastateur, comme Dan O’Bannon (Return of the Living Dead), Peter Jackson (Braindead) et, récemment, Edgar Wright (Shaun of the Dead).

C’est donc dans un climat de haute compétitivité que débarque le Romero nouveau. Or, le cinéaste garde son sang-froid et demeure fidèle à son plan de match. Land s’inscrit dans la continuité des autres films de la série, allant même un cran plus loin dans la métaphore politico-sociale. Cette fois, les zombies dominent la planète en nombre, mais demeurent isolés dans un no man’s land dévasté, tandis que les survivants humains vivent retranchés dans une ville fortifiée où la différence des classes et le pouvoir de l’argent exercent encore toute leur emprise.

Le film évoque deux rébellions: celle des opprimés de la ville fortifiée qui se soulèvent contre la classe dominante; et celle des zombies qui vont prendre d’assaut le château fort capitaliste des vivants, sous la gouverne d’un mort-vivant afro-américain qui porte encore son uniforme de garagiste. Cette satire mordante et ultra-gore du "déclin de l’empire américain" devrait satisfaire autant les admirateurs du Romero socialement contestataire de Night et Dawn que les amateurs de gore bien saignant. En outre, le film contient plusieurs passages à haute tension très efficaces et quelques effets de surprise qui feront sursauter la salle.

Tout de même, malgré toutes ces qualités, une impression de déjà-vu finit par s’installer, se traduisant par un soupçon de lassitude. À la fin, on sort de la salle relativement satisfait, mais sans espérer une quelconque récidive. Cette fois, Romero peut vraiment passer à autre chose.

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