Fantasia : Démons et merveilles
Cinéma

Fantasia : Démons et merveilles

Fantasia se poursuit jusqu’au 25 juillet avec des classiques, des nouveautés et des curiosités où percent, au milieu des invasions de zombies et des fusillades de yakuzas, des moments d’humour, de réflexion et de poésie.

GROS PLAN SUR TROUBLE

Que ceux qui croient encore que Fantasia ne présente que des films asiatiques sanglants ou des trucs gore se détrompent. Ainsi, parmi la quarantaine de films figurant dans la section Cinéma européen et Amérique du Nord / Sud, Trouble, du Belge Harry Cleven, a capté notre attention.

Photographe renommé, Matyas (Benoît Magimel, ténébreux) découvre à plus de 30 ans qu’il a un jumeau identique, Thomas (Magimel, crépusculaire). Alors que ce dernier plaît immédiatement à sa femme Claire (Natasha Régnier, lumineuse) et à son fils, Matyas, envahi d’étranges souvenirs d’enfance, craint de plus en plus la présence de son frère.

Trouble de Harry Cleven

Au-delà du thème de la gémellité, auquel Cleven, qui a étudié le sujet, offre une dimension non dénuée d’intérêt, ce qui frappe d’abord dans Trouble, c’est l’atmosphère à la fois élégante et angoissante: "Quand j’étais petit, j’aimais beaucoup avoir peur au cinéma, j’aimais les films de vampires, relate Cleven, joint au téléphone à New York. Peu après avoir tourné mon deuxième film, Pourquoi se marier le jour de la fin du monde, mon ami Jacquot Van Dormael m’a suggéré de me tourner vers le cinéma de genre puisque mes films faisaient peur aux gens. Et c’est ainsi que j’ai eu envie d’aller vers le thriller psychologique, qui se situe entre le film d’auteur et le film de genre."

Porté par la trame sonore inquiétante de Nicolas Provost, Trouble bénéficie d’une photographie soignée et d’une direction artistique raffinée. Il n’y a pas de doute, l’acteur qui a décidé de passer à la réalisation après avoir tourné sous la direction de Zulawski (L’Amour braque) a le souci du détail: "Au cinéma, il ne faut négliger aucun ingrédient. J’ai beaucoup travaillé à la bande-son et au découpage; de même, j’ai dirigé les acteurs avec beaucoup de précision. La particularité de mon cinéma, c’est que la caméra raconte les perceptions des personnages. Pour la lumière, je me suis inspiré d’Eyes Wide Shut de Kubrick. Ce que je trouvais intéressant, c’était d’être constamment entre le chaud et le froid; par exemple, d’avoir des couleurs chaudes travaillées en lumière froide et vice versa… donc, que l’on se retrouve toujours dans le trouble. Quant à la dominance du rouge, c’est pour illustrer la peur du sang de Matyas qui dénie son enfance; à mesure que le film avance, il se désature au niveau des couleurs, mais le rouge demeure." (M. Dumais)

ÉVÉNEMENTS SPÉCIAUX

Qu’est-ce que Peter Jackson, Quentin Tarantino, Alex de la Iglesia et Takashi Miike ont en commun? Ils vouent un culte à The Toxic Avenger de Lloyd Kauffman, qui sera de passage le 22 juillet pour présenter How to Make Your Own Damn Movie. En prime: The Toxic Avenger sera projeté pour la première fois à Montréal depuis 1995.

Les voyages de Sinbad ont bercé votre enfance? Le 24 juillet, venez passer Un après-midi avec Ray Harryhausen où le brillant animateur présentera ses techniques d’animation, ses courts métrages et son grand classique, Jason and the Argonauts (copie 35 mm restaurée). Et pour la première fois de son histoire, Fantasia remettra un prix spécial à un artisan du cinéma international:

"C’est Pierre Corbeil, directeur du festival, qui a eu l’idée de saluer la carrière de Harryhausen, explique Mitch Davis, programmateur. Un choix incontestable à mon avis, car Harryhausen a activement tracé la trajectoire de l’imagerie du cinéma fantastique et d’horreur. C’est un véritable pionnier et il m’est impossible d’imaginer ce que serait le film de genre sans sa contribution artistique." (M. Dumais)

COURT! COURT! COURT!

L’an dernier, son programme déjanté a eu tant de succès qu’il a été présenté dans neuf villes, dont une semaine au Cinéma Cartier de Québec – l’endroit même où DJ XL5 a découvert le cinéma, le rock’n’roll et les femmes… Le 22 juillet, à 17 h 15, DJ XL5 proposera un cocktail qui sera sans doute explosif:

"C’est le même principe que l’an dernier, confie DJ XL5. J’ai rassemblé une trentaine de courts métrages, dont plusieurs explorent le thème de la tolérance, avec des effets de statique et des publicités pour simuler l’action de zapper à la télé. En plus de partager des courts que j’aime, je propose au public une critique sous-jacente de la société et des médias qui nous traitent et nous perçoivent comme des machines à consommer."

Attention: DJ XL5’s International Zappin’ Party 2005 commence 20 minutes à l’avance avec It’s Intermission Time, une collection de vieilles bandes-annonces qui ravira les nostalgiques du ciné-parc.

Également, les amateurs de courts métrages ne voudront certainement pas manquer Japanese Short Stories (21 juillet), Courts toujours (23 juillet) et les documentaires de Réalités tordues (24 juillet). (M. Dumais)

EN VRAC

THE EYE 2

D’OXYDE PANG CHUN (THAÏLANDE)

Larguée par son petit ami, Joey tente de mettre fin à ses jours. Ramenée à la vie in extremis, la jeune femme se met à voir des fantômes et apprend qu’elle a un polichinelle dans le tiroir. Création exploitant des préoccupations paranormales et philosophiques, The Eye 2 est un honnête drame fantastique qui part de prémisses plutôt convenues pour accoucher, littéralement, d’un dénouement étonnant. Bénéficie en outre d’une plastique soignée et d’un scénario bien construit. (M. Defoy)

EL LOBO

DE MIGUEL COURTOIS (ESPAGNE)

Le loup de l’intitulé correspond au nom de code d’une taupe célèbre pour s’être faufilée jusqu’au sommet de l’organisation terroriste basque ETA pendant les années 70. L’histoire de cette figure légendaire de l’Espagne contemporaine se prête ici à un récit biographique de facture classique, bien servi par de solides interprètes. Redevable à une importante injection de capitaux français, El Lobo porte la griffe du réalisateur Miguel Courtois (Ferocious) et emploie les comédiens Mélanie Doutey et… Patrick Bruel. (M. Defoy)

SPIDER FOREST

DE SONG IL-GON (CORÉE)

Au début de ce thriller psychologique au récit passablement tordu, un policier s’efforce de réunir les morceaux du puzzle entourant un double meurtre d’une violence inouïe dont a été témoin un journaliste, lui-même agressé par le mystérieux tueur. Le spectateur est invité à se perdre dans ce suspense structuré de façon non linéaire, à la manière d’un labyrinthe semé de miroirs et de faux-semblants. Souvent fascinant, parfois lassant. (M. Girard)

SURVIVE STYLE 5+

DE GEN SEKIGUCHI (JAPON)

Survive Style 5+ de Gen Sekiguchi

Que voilà une chose étrange, une sorte d’ovni cinématographique qui se situerait quelque part entre du Monty Python sur l’acide et du Tarantino asiatique. Il s’agit d’un délirant film choral aux intrigues très lâchement enchevêtrées. La plus folle raconte les efforts répétés d’un homme pour tuer sa femme, laquelle revient invariablement en vie et assoiffée de vengeance. Un exercice complètement gratuit mais souvent jubilatoire. (M. Girard)

THREE… EXTREMES

DE TAKASHI MIIKE, FRUIT CHAN ET PARK CHAN-WOOK (HONG-KONG)

Dans une esthétique hyper-léchée rappelant Audition, Takashi Miike propose l’histoire d’une jeune femme hantée par sa sœur jumelle morte dans de mystérieuses circonstances. Misant sur l’ironie et l’insolite, Fruit Chan met en scène la belle Bai Ling qui concocte d’étranges dumplings aux vertus régénératrices. Chez Park Chan-wook, dont on reconnaît l’humour dément d’Old Boy, un figurant psychopathe fait un mauvais parti à un réalisateur. Trois courts métrages-chocs délicieusement macabres de cinéastes au sommet de leur forme. (M. Dumais)

SPIN KICK

DE NAM SANG-KUK (CORÉE)

À l’approche du championnat national, l’équipe de taekwondo du réputé collège Manseh est forcée de faire concourir une bande de voyous qu’elle confie à un entraîneur de seconde zone. Film sportif tirant sur la comédie mordante, Spin Kick propose quelques bonnes séquences de combat mais souffre d’un scénario longuet. P.-S.: La b.o.f. se permet d’utiliser DEUX fois Life Is Life, fameuse ritournelle d’une indécrottable kétainerie. (M. Defoy)

G.O.R.A.

D’ÖMER FARUK SORAK (TURQUIE)

Marchand de tapis doué pour l’entourloupe, Arif est enlevé par des extraterrestres en manque d’esclaves. Voilà notre homme "pogné" sur la planète Gora où, avec d’autres Terriens kidnappés, il s’empresse d’ourdir quelque plan d’évasion. Grosse farce intersidérale crémeuse, G.O.R.A. multiplie les clins d’œil aux canons de la s.-f. (Star Wars, The Matrix…) et dépense son budget considérable de façon intelligente. Plutôt distrayant. (M. Defoy)

ONE NITE IN MONGKOK

DE DEREK YEE (HONG-KONG)

Comme son titre l’indique, ce thriller à haute tension se déroule en l’espace de quelques heures dans un même lieu, en l’occurrence le quartier populaire de Hong-Kong le plus densément peuplé. Pendant une nuit, les forces de l’ordre traquent un tueur à gages, sur fond de guerre entre gangs de rue. Très réaliste, très cru, avec des scènes de poursuites et de violence filmées au scalpel. À voir. (M. Girard)

EN COMPLÉMENT DE PROGRAMME:

La Dernière Incarnation de Demian Fuica.

Ultraman: The Next, de Kazuya Konaka (Japon): Pour saluer le retour du super-héros chéri de notre enfance.

Night of the Living Dorks, de Matthias Dinter (Allemagne): Un cocktail délirant empruntant à Shaun of the Dead et à… Porky’s.

La Dernière Incarnation, de Demian Fuica (Québec): Une première réalisation de la nouvelle boîte de production K-O Films mettant en vedette Gilbert Turp, Catherine Florent et Leonardo Fuica.

Night Watch, de Timur Bekmanbetov (Russie): En guise de film de clôture, le méga-succès qui a battu Spider-Man 2 en Russie. (M. Dumais)

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