The Edukators : Les romantiques
Cinéma

The Edukators : Les romantiques

The Edukators, de Hans Weingartner, met en scène un trio de poètes anarchistes qui se plaisent à faire la leçon aux bourgeois. Entretien avec un jeune cinéaste idéaliste.

La nuit, Jan (Daniel Brühl) et Peter (Stipe Erceg) s’introduisent dans des demeures cossues pour déplacer les objets de luxe sens dessus dessous et y inscrire des messages anarchiques qu’ils signent The Edukators. Fortement endettée et évincée de son appartement, Jule (Julia Jentsch), petite amie de Peter, s’installe chez les deux copains. Voulant se venger de Hardenberg (Burghart Klaussner), celui à qui elle doit de l’argent, Jule entraîne Jan chez ce dernier. À la suite d’un malencontreux oubli, le trio se voit forcé de kidnapper Hardenberg. Réfugiés à la campagne, les Edukators voient leur amitié mise en péril lorsque Jule et Jan tombent amoureux.

Dans la veine des documentaires dénonçant les méfaits de la mondialisation, tel The Corporation de Mark Achbar et Jennifer Abbott, The Edukators se veut un cri d’alarme destiné à la jeunesse du monde entier que le jeune cinéaste d’origine autrichienne enrobe d’un parfum romantique: "Bien que j’admire Michael Moore, explique Hans Weingartner, joint au téléphone en Allemagne, je ne voulais pas faire un documentaire, car je suis une personne très gênée et un mauvais journaliste; j’ai donc préféré parler de la mondialisation par le biais de la fiction. Tout au long de l’écriture du scénario, je pensais à Jean-Jacques Rousseau et au concept du contrat social. Je me suis beaucoup inspiré de mon passé de militant pour écrire The Edukators. Katharina Held et moi étions si amoureux quand nous avons écrit le scénario qu’il était évident pour nous d’y ajouter une histoire d’amour. Par la réaction des personnages, nous voulions également démontrer que l’amitié est aussi importante que l’amour. De cette façon, nous voulions rendre le film plus intéressant, car un film politique aurait pu être ennuyant pour le spectateur."

À l’entendre raconter avec nostalgie son voyage en canot au Québec, moment où il s’est senti en communion avec la nature, le jeune cinéaste donne l’impression d’être né à l’époque de Chateaubriand. Certes, Weingartner est un grand idéaliste romantique devant l’Éternel. Toutefois, cette belle exaltation qu’il transmet à ses personnages l’aveugle par instants. Ainsi, The Edukators laisse la part belle aux activistes, mais donne le sale rôle aux bourgeois. Dans une scène, Jule est aux prises avec des clientes aussi détestables que snobs. Pas très subtil tout ça: "Euh… oui, assurément, le film est anti-bourgeois, confie Weingartner. Mais si je l’ai fait ainsi, c’était vraiment pour réveiller la jeunesse d’aujourd’hui, qui semble au courant de ce qui se passe, mais qui agit peu. À travers le personnage de Hardenberg, je voulais démontrer comment la jeunesse militante d’hier s’est embourgeoisée et a perdu ses idéaux. Je sais que c’est normal en vieillissant de perdre ses idéaux, de se cantonner dans son confort, mais ce n’est pas une raison pour fermer les yeux sur la réalité et ne plus lever le petit doigt."

Ouvre pour le moins sincère et vibrante, The Edukators est soutenue par des acteurs aussi convaincus que convaincants: "J’ai choisi Daniel Brühl car non seulement c’est un très bon ami, mais il est aussi un très bon acteur; mon choix s’est porté sur Burghart Klaussner, qui jouait son père dans Good Bye Lenin!, parce que je l’avais justement trouvé bon dans ce film. De les réunir à l’écran ne m’inquiétait pas. Ce qui m’intéressait chez Stipe Erceg, c’était sa capacité d’improviser. Quant à Julia Jentsch, je cherchais quelqu’un qui avait l’énergie du personnage."

Afin d’illustrer avec vérité ses propos militants, Weingartner a opté pour la plus grande simplicité: "J’ai choisi de tourner caméra à l’épaule, sans éclairage artificiel, pour rester dans l’esprit du film et surtout pour traduire le sentiment d’urgence qui habite ces trois militants… qui auraient certainement tourné un film de la même manière." Et pour bercer le tout, le cinéaste a choisi la voix de Jeff Buckley qui reprend Hallelujah de Leonard Cohen: "C’est une chanson que ma petite amie m’a fait découvrir et que je n’ai pas cessé d’écouter; je trouvais qu’elle collait parfaitement aux images du film." Des choix qui l’honorent.

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