Broken Flowers : Bill 101
Cinéma

Broken Flowers : Bill 101

Broken Flowers servira de cours magistral à ceux qui ne sauraient pas que Bill Murray est l’acteur le plus hot à Hollywood en ce moment. Désolé, messieurs Depp, Pitt, Cruise et  Penn.

Quelqu’un faisait remarquer l’autre jour que Bill Murray aurait pu faire une belle carrière à l’époque du cinéma muet. Avec son faciès de clown en train de dégriser, le comédien fait penser à une sorte de Charlot moderne, moustache en moins, spleen en prime. Récemment, chez la fille Coppola (Lost in Translation) ou bien ici, chez Jim Jarmusch, son talent drolatique a trouvé à s’exprimer avec une relative économie de mots, à travers divers gestes, mimiques ou expressions le plus souvent nonchalamment esquissés. De l’anti-comédie? Pas loin. Les p’tits comiques portés sur le "sparage" à gogo – Ben Stiller, Jim Carrey… – devraient prendre note.

Le comédien révélé au petit écran dans Saturday Night Live a mis un moment avant d’être célébré à Hollywood – enfin, à off-Hollywood, disons. On lui pardonnera des erreurs de parcours, comme Space Jam ou Ghostbusters 2. Après tout, aucun de ces faux pas n’a réussi à torpiller sa carrière. À 55 ans bien sonnés, voici Bill Murray devenu le chouchou d’un certain cinéma américain. De centre-gauche, pour être plus clair. Depuis son remarquable tour de scène dans Rushmore, de Wes Anderson (1998), chacune de ses affectations suscite énormément d’attention.

C’est dire si l’on avait hâte de le retrouver devant la caméra de Jarmusch – le cinéaste avait déjà employé l’acteur dans une vignette de son film à sketchs Coffee & Cigarettes. Murray enfile pour l’occasion les habits de Don Johnston (avec un t, fait-il remarquer…), séducteur fatigué souffrant d’un sérieux coup de cafard. Sa douce Sherry (Julie Delpy) vient de le quitter et une mystérieuse missive (non signée) lui apprend qu’il aurait eu un fils il y a 19 ans. Mais de qui, s’enquiert son voisin Winston (Jeffrey Wright), Éthiopien curieux et féru de romans policiers. Celui-ci pousse Don à faire enquête. Et le peut-être papa d’aller visiter chacune des flammes qu’il avait attisées il y a une vingtaine d’années.

À la fois cocasse et poignante, la virée effectuée par Murray tient beaucoup à la qualité des rencontres arrangées par Jarmusch. Sharon Stone, Frances Conroy, Jessica Lange et Tilda Swinton n’occupent successivement qu’un quart d’heure d’écran, mais ces quatre comédiennes s’exécutent avec aplomb et se rallient à la cause commune. Généreux, Jarmusch leur a quand même donné un os bien viandé à mordiller.

À partir d’un canevas relativement simple – la quête d’un homme pour un pan de passé insoupçonné -, Jarmusch tricote un récit attachant auquel il confère sa touche insolite habituelle. Placées à la périphérie du film, ses excentricités représentent autant d’électrons libres qui tournent autour du noyau dur incarné par Murray.

Comme résolution à l’aller-retour éprouvant effectué par le héros, Broken Flowers propose une fin ouverte. Le dernier (moyen) plan révèle, à travers une lentille scrutatrice, le visage interloqué de Bill Murray. Pour lui, le trajet ne semble que commencer. Non, la métaphore n’est pas innocente. Go, Bill, go!

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