La Dernière Incarnation : Gaga cool
Cinéma

La Dernière Incarnation : Gaga cool

La Dernière Incarnation propose un salmigondis de thèmes fantastico-ésotériques pissants. Vos chakras sont-ils bien alignés? Entretien matinal avec la comédienne Catherine Florent.

Catherine Florent rayonne. Ça ne s’aperçoit pas comme ça, au téléphone, mais ça s’entend. C’est que la dame est maman depuis peu. Et le cafard post-partum, alors? Connaît pas. Il est 8 h 30 et la voix de Catherine Florent s’allume lorsqu’elle nous parle de son "petit trésor". C’est un garçon? "Une petite fille." Et elle s’appellera comment? "Ah! Je ne sais pas encore. On se donne la semaine pour y penser, rétorque-t-elle. On a tellement travaillé fort pour la mettre au monde, cette enfant-là, qu’on peut bien se donner le temps… Pour l’instant, je panse mes blessures de guerre (rires)…"

Décidément, la cigogne a choisi le moment pour passer. Catherine Florent était sur le point de partir en région pour faire mousser La Dernière Incarnation. "C’est pas grave, fait-elle observer. De toute façon, j’ai ma gang de gars qui sont bien capables de parler pour trois ou quatre." La comédienne fait référence au réalisateur Demian Fuica et aux interprètes Gilbert Turp ("super bon"), Stéphane Demers ("un vrai clown") et Leonardo Fuica ("un drôle de méchant, il mesure à peu près trois pieds!"), qui lui donnent la réplique.

De toute évidence, Catherine Florent a pris son pied lors du tournage. "En revoyant le film récemment, à Fantasia, j’ai ressenti tout le plaisir qu’on a eu à le tourner, confirme-t-elle. On était comme des grands enfants qui se prenaient pour des super-héros (rires)! C’est rare (dans un film) qu’on a (à la fois) des poursuites d’autos à faire, des élévations dans le ciel, des incantations… Il ne fallait pas se prendre au sérieux."

JOUER, PRODUIRE, RÉALISER

Avant de dégoter un rôle de premier plan dans La Dernière Incarnation il y a déjà plus de deux ans, Catherine Florent avait joué dans Sur le seuil, drame fantastique d’Éric Tessier. La comédienne serait-elle en voie de se spécialiser dans le cinéma de genre? "Au Québec, on ne choisit pas vraiment ce qu’on fait, réplique-t-elle. Mais je trouve ça intéressant que les réalisateurs me confient ce genre de rôles. C’est bien que le cinéma québécois s’ouvre à des styles différents."

Si elle a bien envie de reparaître au grand écran, la comédienne admet que les œuvres ne pleuvent pas. Les scénarios passent rarement entre ses mains. Il arrive aussi qu’on lui préfère un nom plus connu. "Il y a eu une période où j’étais toujours la deuxième, se rappelle-t-elle. J’ai trouvé ça très difficile. Mais bon, ça m’a permis de faire plein d’autres choses, comme travailler mes cordes en comédie musicale." Enceinte, elle se consacre au chant – "je suis fan de Björk et d’Ella Fitzgerald, ma "prof de chant"". Effectue des stages pour perdre son accent anglais. Développe tout plein de scénarios de courts métrages, notamment avec Gilbert Turp et Jacques Lavallée.

Plutôt que "d’attendre après le monde", elle décide d’aller au-devant des choses. Avec son chum, Catherine Florent lance une petite compagnie de production, Fanfare Films. Elle réalise un court métrage intitulé Yoyoma, mettant en vedette Gilbert Turp (toujours lui…). On pourra voir le résultat au FFM et au Festival international du cinéma francophone en Acadie, où il est inscrit en compétition officielle.

"J’ai vraiment envie de travailler la branche réalisatrice, dit-elle. J’ai toujours voulu faire ça." Avec sa sœur Hélène (comédienne elle aussi), elle se faisait ses petites vues à 10 ans. "Je me rappelle une histoire en particulier. Des journalistes venaient visiter une maison pour (l’émission de télé imaginaire) Tour du monde. Leur patron les envoyait dans une famille complètement détraquée (rires). On a ça sur vidéo quelque part. C’était comme une espèce de téléréalité avant le temps…"

Ses velléités de réalisatrice, Catherine Florent devra, pour l’heure, les mettre en veilleuse. Il y a tout d’abord des projets télé à honorer. "Encore trois semaines et je recommence à travailler, lance-t-elle. Je reprends le personnage de Jeanne dans Caméra Café. L’Auberge du chien noir va aussi redémarrer. Et il y a un autre Lance et compte sur la planche à dessin."

La comédienne allait oublier son engagement au théâtre, avec le groupe de la Veillée. Les répétitions pour la pièce Amerika doivent bientôt commencer. Programme chargé. Et le petit trésor, dans tout ça? Il ne faudra pas oublier de lui trouver un prénom. Des suggestions? Nous, connaissant l’amour de la maman pour les sublimes Björk et Ella, on proposera Bella, pourquoi pas?

LA PREMIÈRE RÉALISATION

Au hasard d’une virée ornithologique dominicale, Marc-André (Gilbert Turp) est témoin d’un incident bizarre. Apparaît devant ses yeux une sorte d’œuf, comme tombé du ciel, dont émerge une jeune femme nue. Marc-André croit d’abord à une mauvaise blague, mais il finit par se rendre à l’évidence: la créature s’appelle Mirah (Catherine Florent) et elle a voyagé dans le temps, depuis l’ère mésopotamienne, pour venir l’avertir d’un grave danger. En effet, un certain Urshanabi (Leonardo Fuica) s’est mis en tête de lui faire la peau. Dans une vie antérieure, Marc-André a injustement châtié ledit personnage, qui cherche depuis à se venger. Avec le secours de Mirah, qui éveille en lui des pouvoirs insoupçonnés, Marc-André trouve le courage de se mesurer à son terrible adversaire.

Exemple type de long métrage fauché, La Dernière Incarnation a choisi d’assumer au grand jour son budget limité. D’autres auraient camouflé un évident manque de ressources en jetant de la poudre aux yeux du spectateur. Pas de boucane ici. Les effets spéciaux, nombreux et souvent rigolos, sont livrés de façon quasi surréaliste. Le plus souvent, on suggère les choses. Avec l’air de dire: oui les jeunes, vous pourriez (presque) faire pareil à la maison. C’est ce parti pris modeste et teinté d’humour autodérisoire qui rend les maladresses de La Dernière Incarnation sympathiques.

Plutôt tarabiscoté, le scénario semble avoir été arraché d’un catalogue du paranormal. Lévitation, méditation, voyage astral, voyage dans le temps… un petit lavage de cerveau avec ça? On vous promet que ça ne fera pas mal. Conscient de cette surabondance thématique, le réalisateur Demian Fuica a trouvé un moyen de désamorcer la critique. Il prête ainsi au personnage de Marc-André des répliques qui rendent compte du ridicule de certaines situations. Ses "Ben voyons donc!" et ses "Là, chus plus capable!" pourraient sortir tout droit de la bouche du public.

Malgré ses limites structurelles et ses manquements propres à une première réalisation, La Dernière Incarnation réussit tout de même à faire rire franchement – c’est d’ailleurs là sa principale qualité. Le crédit est à porter au compte du réalisateur et de sa distribution, qui se sont visiblement amusés pendant le tournage. Ce plaisir sera-t-il contagieux?

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UN NOUVEL ACTEUR SE LANCE DANS LE RING

Nous posons cinq questions à Benoît Lavallée, patron de K-O Films, la petite boîte de production et de distribution derrière La Dernière Incarnation.

Racontez-nous les débuts de K-O Films.

"J’avais produit La Dernière Incarnation avec un de mes amis, Stéphane Lépine. On s’est mis à chercher un distributeur, mais les résultats n’ont pas été très fructueux. Alors on a décidé de le distribuer nous-mêmes. J’ai fondé K-O Films en janvier 2005. La boîte fait à la fois de la production et de la distribution. Elle donne de l’emploi à cinq personnes."

À quoi ressemble votre parcours professionnel?

"J’ai étudié en comptabilité, j’ai un bagage en administration juridique et je possède aussi une expertise en gestion d’entreprise. J’ai toujours aimé le milieu artistique. Quand j’étais jeune, j’étais éclairagiste. Je suis sorti de ça. Mais j’ai eu l’occasion de renouer avec un plateau (de cinéma), et ça me plaît bien."

Quels sont vos plans pour K-O Films, à moyen comme à long terme?

"Côté production, je travaille avec André Melançon sur un projet de film qui devrait se faire au printemps. En distribution, je suis en train de négocier l’achat de trois longs métrages. Il y a une comédie de science-fiction turque, G.O.R.A., qu’on a l’intention de traduire au Québec. Il y a aussi un film espagnol, El Lobo, qui a été présenté à Fantasia. Dans les deux cas, je ne veux pas de sous-titres, je veux doubler en québécois. Pour ce qui est du long terme, j’espère que dans 10 ans, K-O Films se retrouvera au même niveau que Cristal ou Équinoxe."

Comptez-vous vous spécialiser dans le cinéma de genre?

"Il y a beaucoup de demandes (pour des films de genre) qui sont rejetées. Nous, on est ouverts à ça. On est prêts à donner une première chance à des cinéastes qui se sont fait dire non."

À quoi ressemble votre stratégie de distribution pour La Dernière Incarnation?

"Le film devait sortir en juillet, mais on a choisi de reporter à la mi-août. Je pense que c’est une bonne décision. Ça respire un petit peu plus. On avait fait un planning pour une vingtaine de salles, on est rendus à 46, je pense. Quant à savoir comment le film sera reçu, alors là, je n’en ai aucune espèce d’idée. Il a été bien accueilli à Fantasia, en tout cas."

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