Boudu : Les aventures de Gégé et Juju
Cinéma

Boudu : Les aventures de Gégé et Juju

Boudu réunit les imposants Depardieu et Jugnot dans un exercice "comédique" plutôt pétillant.

To remake or not to remake

. Zat iz de question. Lorsqu’il discute de Boudu, sa neuvième réalisation, Gérard Jugnot préfère employer le terme "adaptation". On pourrait tout aussi bien utiliser l’expression "mise à jour". Enfin, peu importe la terminologie. Redevable au Boudu sauvé des eaux de Jean Renoir? Fidèle à la pièce originale de René Fauchois? Le Boudu de Jugnot se tient très bien tout seul. De toute façon, sa principale attraction n’est-elle pas à trouver ailleurs, du côté d’une distribution réunissant deux Gérard célèbres?

Depardieu (énorme dans le rôle-titre) et Jugnot (présent devant et derrière la caméra) se retrouvent sur le même plateau. Événement rarissime. Gégé et Juju s’étaient croisés il y a belle lurette sur le tournage des Valseuses avant de renouer, plus récemment, pour le téléfim Volpone.

Depardieu, clodo ravageur, fait baver Jugnot, alias Christian Lespinglet, petit galeriste galérant. Le premier s’étant jeté à l’eau avec l’idée de ne pas en émerger, le second se doit de lui porter secours, bien qu’à son corps défendant. Il va même jusqu’à offrir le gîte au rescapé.

Erreur. Boudu ne met pas de temps à virer sens dessus dessous le quotidien de son bienfaiteur. D’abord, il séduit Yseult Lespinglet (excellente Catherine Frot), alcoolique mondaine soudainement prise du vertige de l’amour. Puis il soulève les jupes de Coralie (Constance Dolle), l’assistante de Christian, sachant que celui-ci l’avait dans le collimateur.

Ces marivaudages finissent par prendre un tour tragique. Déjà que les affaires de la galerie n’allaient pas fort, fort. Dépité, le pauvre Lespinglet retourne au canal où il a repêché Boudu. Le moral à plat, il contemple l’idée de piquer une tête…

Vivant et chamarré, le film de Jugnot ne peut cependant se résoudre à une conclusion malheureuse. Le dénouement en forme de happy end semble un peu mièvre, mais le réalisateur n’hésite pas à le légitimer. Il s’agissait de conférer un cachet d’humanité supplémentaire à une fable relativement sombre. Ailleurs, la palette de couleurs privilégiée, très ensoleillée, et les dialogues, pleins de verve, achèvent de donner à Boudu un cachet résolument lumineux.

LE RÉALISATEUR ET COMÉDIEN GÉRARD JUGNOT PARLE DE…

Ce qu’il a retenu du Boudu original…

"Quand j’ai repris le sujet, qui avait été adapté par mon scénariste de façon assez lointaine, j’ai tout cassé pour ne garder que l’essence du personnage de Boudu, un être poétique et dévastateur. C’est un personnage qu’on n’a pas envie de croiser (rires). Il n’y a pas une ligne du film (de Renoir), il n’y a qu’un personnage, assez éloigné de celui de Michel Simon. On a gardé Boudu, qui est un beau mot. Bou-du."

Sa relation avec Gérard Depardieu…

"J’avais envie de me frotter à Depardieu. Il a été parfait, ce qui n’est pas toujours le cas. Le rôle l’intéressait, c’était pour lui. Je ne voyais personne d’autre. La grande question, c’était: comment peut-on arriver à dompter Depardieu? Je n’ai pas eu de soucis. Il avait du respect, peut-être que je le lui ai imposé. Et puis il savait qu’il avait en main une belle partition."

Son rapport au cinéma…

"J’aime bien que les gens sortent, pas heureux – je ne crois pas au happy end -, mais qu’ils sortent mieux qu’ils ne sont rentrés. J’ai beaucoup aimé un film comme 21 Grammes, mais je suis sorti de là… ouf! J’aime bien ce cinéma-là, mais bon. Vous avez un choix dans la vie. Ou vous voyez le noir, ou vous voyez le blanc. Moi je vois le noir pour tout de suite, mais j’essaie quand même de trouver un peu de blanc pour la fin (rires)…"

Ce que Boudu exprime au sujet de notre époque…

"J’ai traité des bobos, du nouvel égoïsme. Le personnage de Boudu est un miroir. Boudu, pour moi, c’est la vie. J’y voyais une parenté avec Une époque formidable, l’histoire d’un cadre qui tombait dans les cartons et qui retrouvait le sens de la vie grâce à des clochards. C’est pareil ici, sauf qu’au lieu de tomber dans la rue, les personnages voient la rue tomber chez eux. Boudu, c’est l’élan vital, la liberté, avec tout ce que ça comporte d’insupportable."

L’aspect positif des tournées de promotion…

"J’écris un film et ensuite je fais de la promotion pour essayer de comprendre pourquoi j’ai fait ce film. Ce n’est que six mois après que l’on se dit: ah! ben, j’aurais pas dû le faire (rires)… Tout le travail que je fais sur la promo, j’appelle ça la psychanalyse de l’œuvre."

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