Les Frères Grimm : Ça ne conte pas
Pour Les Frères Grimm, Terry Gilliam semble avoir fait ligaturer sa folie créatrice. Subsistent quelques traits de génie, mais il en faudrait plus pour rompre l’ennui.
Terry Gilliam
qui met de l’eau dans son vin… On ne pensait pas que l’ex-Monty Python allait un jour baisser les bras pour banalement se conformer aux diktats de la majorité. Notre homme serait-il de las de ferrailler avec les grosses huiles hollywoodiennes?
Après avoir dû renoncer à réaliser son projet chouchou The Man Who Killed Don Quixote, Gilliam a pris du temps pour panser ses plaies. À peine s’était-il refait une santé que son nouveau film, Les Frères Grimm, commençait à lui empoisonner la vie. Divergences artistiques…
Son premier montage n’ayant pas plu au studio, le cinéaste est passé à un autre appel avant de revenir à de meilleurs sentiments. La deuxième version proposée serait la bonne. Dix-huit mois après qu’on en eut bouclé le tournage, Les Frères Grimm V2 s’installe finalement dans les salles obscures.
Si l’on en croit les gazettes, le produit final fait le bonheur de tous. Gilliam y compris. Ouais, ça fait penser à l’histoire de ce gars qui, après s’être fait amputer deux doigts de pied, se dit heureux de pouvoir encore marcher.
Luxueux exercice de détournement de contes, le plus récent divertissement du créateur de Brazil met en scène les aventures des frères Will et Jacob Grimm (Matt Damon et Heath Ledger), célèbres pour leurs histoires à faire peur aux enfants.
Parcourant la campagne allemande, les frangins entourloupent les paysans qui cherchent à se débarrasser de vilaines sorcières et d’horribles ogres – naturellement personnifiés par les acolytes des Grimm.
Lorsque leur petit manège est mis au jour par les autorités françaises – à cette époque, Napoléon occupe certains territoires teutons -, nos frangins sont forcés de collaborer, sinon…
À leur corps défendant, Will et Jacob sont envoyés dans une bourgade reculée pour faire la lumière sur la disparition mystérieuse de nombreuses jeunes filles. Bénéficiant de l’aide de la sœur de deux des disparues, la fougueuse Angelika (Lena Heady), ils affronteront des arbres mouvants, un loup-garou à la dent longue et une princesse en mal d’une cure de jouvence. Tout le monde y trouvera son compte. Ou pas.
Malaxant divers ingrédients listés dans le grand livre de recettes des frères Grimm, Terry Gilliam produit une espèce de pâte lisse et étonnamment fade compte tenu de son habituel penchant pour les épices excentriques. Même l’apparition (inopportune) d’un petit bonhomme en pain d’épice ne réussit pas à relever le goût.
En panne d’ingéniosité, dépourvu de la folie contrôlée qui faisait le charme de ses réussites antérieures, Gilliam ne suscite l’émerveillement que de façon intermittente. Si certaines trouvailles visuelles épatent, d’autres effets paraissent lourds et datés. Comble du comble, le réalisateur parcourt des arpents d’imaginaire déjà investis par lui-même et par d’autres (Tim Burton dans Sleepy Hollow, par exemple).
Faiblesse temporaire? Coup de fatigue passager? Espérons que ce ne sera pas le début du commencement de la fin. Don Quichotte Gilliam a encore des moulins à vent à affronter.
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