FFM : À première vue
Cinéma

FFM : À première vue

Du 26 août au 5 septembre, le FFM présentera une version allégée de sa programmation habituelle. On raconte que les journalistes se plaignaient du trop grand nombre de films…

Depuis plusieurs années, le Festival des Films du Monde, en général, et son président Serge Losique, en particulier, semblent être les souffre-douleur d’une certaine portion des médias montréalais. Assurément, l’organisation de cet événement laisse souvent à désirer et les personnes qui s’en chargent font parfois preuve de mauvaise foi et d’arrogance. Malgré tout, en attendant le prometteur FIFM de l’Équipe Spectra et les valeurs sûres du Festival du Nouveau Cinéma de Claude Chamberlan, le FFM est l’occasion de découvrir nombre de cinémas nationaux et de premières œuvres absentes de nos écrans le reste de l’année.

Présidé par Theo Angelopoulos, le jury aura 22 films à se mettre sous la dent en Compétition Officielle. Mentionnons, entre autres, Red Mercury, un drame qui explore les raisons poussant de jeunes musulmans ayant grandi en Angleterre à s’identifier à Al-Qaeda, un sujet d’autant plus actuel depuis les attentats du 7 juillet dernier à Londres; avec Ron Silver, Stockard Channing et Pete Postlethwaite. Suivront Kamataki, le plus récent opus de Claude Gagnon, qui nous avait donné l’inoubliable Kenny; Sexe, Espoir & Amour, de la Suédoise Lisa Ohlin, dans lequel un animateur télé, contraint de retourner dans sa ville natale à la suite du décès de son père, renoue avec son amour d’enfance; Le Bourreau, une épopée médiévale opposant deux amis déchirés par les manigances de l’Église au temps de l’Inquisition; et, ajouté en compétition à la dernière minute, Sexe et Philosophie, de l’Iranien Mohsen Makhmalbaf.

Le FFM offre aussi une vitrine aux talents émergents avec la Compétition Mondiale des Premières Ouvres. Juliet McKoen fait ses débuts derrière la caméra avec le thriller Frozen; les Français Christophe Ali et Nicolas Bonilauri présentent Camping sauvage, idéalement pas une relecture du navet de Guy A. Lepage; Fernando Vargas Villazon raconte l’histoire de la mort de Che Guevara et de sa légendaire dépouille dans Dis bonjour à papa; et avec El Buen destino, Leonor Benedetto dénonce la crise économique qui sévit en Argentine. Dans plusieurs cas, les jeunes cinéastes s’allient à de jeunes acteurs, comme dans L’Été de mon frère, où un gamin de neuf ans s’inquiète de l’arrivée annoncée d’un autre môme dans la famille; L’Épanouissement de Maximo Oliveros, dans lequel un enfant issu d’un milieu criminel aspire à une meilleure vie; et Ryna, l’histoire d’une jeune fille élevée comme un garçon.

La Pharmacie de l’espoir de François Gourd

Hors concours, Unique Love, une romance chinoise entre un sourd-muet et une aveugle, côtoie Sinfín, une comédie espagnole sur un groupe rock tentant de faire un retour; Réveil d’entre les morts, dans lequel un écrivain raté revient d’outre-tombe pour corriger les erreurs commises de son vivant; Le Domaine perdu de Raoul Ruiz, qui fait pratiquement partie des meubles au FFM; Un homme non enterré, le récit biographique du leader communiste hongrois Imre Nagy; La Dernière Lune, sur l’amitié fragile entre un Arabe et un Juif en Palestine pendant la Première Guerre mondiale; et L’Arc, du chouchou actuel de la critique internationale, Kim Ki-duk (Printemps, été, automne, hiver… et printemps).

Dans la section Regards sur les Cinémas du Monde, qui regroupe la part du lion des films présentés, nous remarquons Hawaii, Oslo, un chassé-croisé dans les rues de la capitale norvégienne, le jour le plus chaud de l’année; La Maison de Himiko, qui héberge des retraités japonais homosexuels; Cruel But Necessary, réalisé par l’acteur canadien Saul Rubinek; de Bruno Barreto, Le Mariage de Roméo et Juliette, qui transpose le drame de Shakespeare chez des supporters de soccer brésiliens (!). Notons également La Phamarcie de l’espoir, tourné en un jour et totalement improvisé, par l’ineffable François Gourd et une trentaine de comédiens (dont Pascale Bussières); Marathon, un Chariots of Fire sud-coréen; Silent Men, une comédie dramatique du prolifique réalisateur canadien Bashar Shbib; Kissing on the Mouth, une docu-fiction décrivant les mœurs sexuelles de collégiens américains; J’me sens pas belle, une comédie romantique mettant en vedette la pourtant très belle Marina Foïs; et pour les amateurs de Bollywood, Chai Pani Etc, Devaki, Vishwathulasi et Nishijapon représentent différentes facettes de cette fascinante culture cinématographique.

Enfin, 148 courts métrages (dont Mesdames et Messieurs de David Boisclair, qui sera présenté lors du gala d’ouverture), près de 50 documentaires, les hommages au réalisateur Chen Kaige et à l’actrice Maggie Cheung ainsi qu’une douzaine de projections extérieures quotidiennes sur l’Esplanade de la Place des Arts complètent la programmation de ce 29e Festival des Films du Monde. Beaucoup de cinéma en vue; bref, assez pour que l’absence du controversé Karla ne soit presque pas ressentie.

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GROS PLAN SUR THE HAMSTER CAGE

The Hamster Cage de Larry Kent.

Lorsque l’on mentionne la "malédiction Larry Kent", il est tentant d’être sceptique, mais plus on examine les faits, plus cela semble plausible. Comment expliquer qu’après avoir annoncé la naissance du cinéma canadien moderne au début des années 60 (avant même Jutra et Groulx) et dédié quatre décennies à tourner des films d’auteur, Kent demeure encore si méconnu? Même Robert French, producteur de The Hamster Cage, présenté en première mondiale au FFM, ne savait pas qui était Kent quand ils se sont rencontrés!

Malgré tout, le cinéaste originaire de Vancouver, aujourd’hui établi à Montréal, persiste: "C’est comme dans les films d’horreur, explique-t-il à la blague. Chaque fois que vous le tuez, Larry Kent se relève!" À l’instar du personnage du vieil oncle pédophile qui essaie de se justifier auprès de sa victime maintenant adulte, que l’on croit mort à maintes reprises, mais qui revient constamment harceler les autres protagonistes, comme un démon intérieur qui resurgit encore plus fort quand on tente de le réprimer.

Annoncé comme une comédie irrévérencieuse, The Hamster Cage raconte l’histoire d’une famille de la Colombie-Britannique réunie pour célébrer l’obtention du prix Nobel de physique du père. La fête ne dure qu’un instant avant que de sordides souvenirs communs refassent surface et que pratiquement toutes les possibilités meurtrières et incestueuses soient explorées. Le film répugnera assurément les âmes sensibles, non pas par son côté graphique somme toute limité, mais pour la frivolité avec laquelle ces horreurs sont traitées.

Et pourtant, Kent estime que sa dernière œuvre est un film sérieux: "Nous ne voulions pas qu’il soit déprimant. Les thèmes sont sombres, mais nous désirions que le ton soit léger, ce qui rend le tout particulièrement déstabilisant et enrage les gens!" Contrairement à la majorité des productions hollywoodiennes, The Hamster Cage demeure ambigu et refuse de porter un jugement définitif sur les protagonistes et leurs actions violentes. Encore plus potentiellement controversée est la façon dont les membres de la famille interagissent sexuellement, et là aussi, le réalisateur fait fi de la morale: "Je ne crois pas que c’est bien ou mal. Je crois que c’est ce dont ils ont besoin. Ça ne se reproduira plus, mais à ce moment ils ont besoin de renforcer leur engagement l’un envers l’autre. C’est une notion classique, rappelant le complexe d’Odipe ou le complexe d’Électre."

L’un des éléments les plus fascinants du film est le personnage de Candy, une étudiante en lettres aux allures de lolita qui observe froidement la dynamique malsaine de la famille pour en tirer de l’inspiration pour ses écrits – comme le fait Kent? "Il y a un dicton chez les écrivains et cinéastes qui dit que tout est du matériel, avoue-t-il. Quelque chose se produit et vous vous dites: "Oh! c’est une bonne histoire. Hey! c’est une bonne réplique."" Ainsi, même si les choses vont mal, même si une malédiction s’acharne sur soi, cela peut au moins donner des idées pour un projet futur. "Ça aide à demeurer sain d’esprit", de conclure le réalisateur.