Festival international de films de Toronto : Échos de Toronto
Cinéma

Festival international de films de Toronto : Échos de Toronto

À quelques jours de la clôture, le Festival international de films de Toronto propose de grands comme de petits films, mais surtout des performances d’acteurs inoubliables. Bref  survol.

Forts d’avoir pu savourer à l’avance quelques chefs-d’œuvre à Cannes, tels Caché de Michael Haneke et L’Enfant des frères Dardenne, les journalistes couvrant le Festival de Toronto ont souvent des décisions déchirantes à prendre. Ainsi, que choisir entre le dernier bijou d’animation en stop motion de Tim Burton, Corpse Bride, avec la voix de Johnny Depp pour qui les photographes ont joué les casse-cou lors de la très courue conférence de presse, et Breakfast on Pluto de Neil Jordan, celui qui nous avait offert The Butcher Boy? Bah, le Burton sortira bientôt en salles, allons donc voir Cillian Murphy jouer un travelo aux prises avec l’IRA alors qu’il cherche sa mère. Verdict: une fantaisie délicieusement tordue où Murphy, le méchant garçon du désolant Red Eye, s’avère absolument fabuleux.                                                              

Dans un registre plus dramatique, Philip Seymour Hoffman démontre une fois de plus l’étendue de son immense talent en incarnant de façon remarquable le rôle-titre dans Capote de Bennett Miller, qui pour sa part signe une réalisation académique hésitant entre la vie de l’écrivain et la genèse d’In Cold Blood, lequel changea à tout jamais la littérature.                      

Cillian Murphy, extraordinaire dans Breakfast on Pluto de Neil Jordan. Photo: Patrick Redmond

Surtout reconnu pour sa beauté – et en le voyant sortir de l’ascenseur de l’hôtel Intercontinental, sans doute l’endroit par excellence pour croiser par hasard David Cronenberg, Elijah Wood, Aaron Eckhart, Hugo Weaving ou la plus que blonde et gracile Gwyneth Paltrow, force est de constater que le monsieur est encore plus joli en personne -, Heath Ledger n’avait jusque-là pas fait grand-chose pour impressionner la galerie. Toutefois, dans le magnifique Brokeback Mountain du brillant Ang Lee, lauréat du Lion d’Or à Venise, Ledger campe avec une sensibilité désarmante un cow-boy introverti épris d’un gars de rodéo interprété solidement par Jake Gyllenhaal. Une histoire d’amour aussi triste que belle.

Autre grande surprise avec Entre ses mains, troublant thriller intime d’Anne Fontaine, où la toujours lumineuse Isabelle Carré donne la réplique à un Benoît Poolvoerde sidérant dans un registre dramatique – les journalistes américains ont été confondus! Toujours du côté des Français, Isabelle Huppert et Pascal Gregory forment un duel sans pareil dans Gabrielle de Patrice Chéreau, un Scènes de la vie conjugale à saveur proustienne. Prix du multiculturalisme à Venise, Vers le sud de Laurent Cantet, d’après trois nouvelles de Dany Laferrière, suit le destin de trois femmes mûres (l’impériale Charlotte Rampling, Louise Portal et Karen Young) qui trouvent sexe et tendresse dans les bras de jeunes Haïtiens à l’époque des tontons macoutes. Un film qui fout le cafard. Passons rapidement sur L’Enfer de Danis Tanovic qui multiplie inutilement des effets de style pour raconter une histoire de Kieslowski.

Philip Seymour Hoffman, remarquable dans Capote de Bennett Miller. Photo: Kimberley French

Passons aussi très vite sur 3 Needles de Thom Fitzgerald (le sublime The Hanging Garden) qui traite des affres du sida en Afrique, en Chine profonde et à Montréal sur un mode choral plutôt artificiel; Mrs. Henderson Presents de Stephen Frears, malgré l’éblouissante et pétillante dame Judy Dench en tenancière de théâtre dans le Londres de la Seconde Guerre mondiale; The World’s Fastest Indian de Roger Donaldson, l’histoire vécue d’un courageux motard néo-zélandais racontée dans la plus plate tradition disneyenne avec un Anthony Hopkins sur le pilote automatique; Neverwas de Joshua Michael Stern, drame un peu gnangnan où Aaron Eckart enquête sur le passé de son père (Nick Nolte), un auteur de livres pour enfants; ainsi que le très stylisé Everything Is Illuminated de Liev Schreiber, où Elijah Wood joue impassiblement un jeune juif à la recherche de ses origines en Ukraine.

Sur une note plus positive, soulignons le tête-à-tête entre Gwyneth Paltrow et Anthony Hopkins dans Proof, adaptation élégante par John Madden de la pièce récipiendaire du prix Pulitzer de David Auburn, où une jeune mathématicienne se demande si elle a hérité du génie ou de la folie de son père. Un récit touchant aux dialogues finement écrits où les mathématiques deviennent poésie. Et sur une note patriotique, mentionnons que le très beau C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée séduit Toronto après avoir ravi la Mostra. Parions que les jeunes Ontariennes craqueront bientôt autant pour Marc-André Grondin, qui a un je-ne-sais-quoi de Gael Garcia Bernal, que pour Orlando Bloom (en vedette dans Elisabethtown de Cameron Crowe).

Enfin, encore quelques jours à profiter des grands crus d’un festival que l’on dit sur le point de supplanter celui de Cannes… Y a pas à dire, la pression sera forte pour l’Équipe Spectra et son Festival international de films de Montréal qui débutera au lendemain de la tombée du rideau sur Toronto.